La question du réchauffement est en effet complexe et repose sur une multitude d’indices. Le Giec, créé par l’ONU, regroupe des milliers d’experts afin d’identifier les faits qui font consensus. Son nouveau rapport rappelle que le réchauffement climatique est une réalité et l’activité humaine y contribue pour une part majoritaire, notamment via les émissions de CO2, et qu’il aura des conséquences suffisamment négatives pour qu’il soit nécessaire de chercher à les limiter. Si la température terrestre s’est stabilisée depuis dix ans, ce devrait être temporaire, alors que la réduction des glaciers, la montée des mers ou des catastrophes climatiques n’ont pas cessé. Face au pari pascalien de croire ou de ne pas croire au réchauffement, le Giec pousse donc très fortement vers la première voie.
Le réchauffement étant mondial, l’Europe doit-elle attendre que les grands émetteurs de CO2 – Etats-Unis, Chine ou d’autres – se soient engagés dans la transition énergétique ? Levons d’abord un quiproquo entre deux transitions énergétiques. D’abord, une transition atomique qui vise à réduire la part du nucléaire. S’il s’agit d’une décision démocratique basée sur une information correcte, elle ne se discute pas. Mais, à court terme, elle est anticlimatique : les alternatives au nucléaire sont aujourd’hui pour l’essentiel des énergies carbonées.
La seconde transition, climatique, vise à réduire les émissions de CO2. Bien sûr, on doit tout faire pour disposer d’ici à quelques décennies d’une énergie majoritairement renouvelable couplée à des solutions de stockage. Mais, dans l’immédiat, le « mix » énergétique mondial se divise essentiellement entre nucléaire, charbon, pétrole et gaz. Aux prix actuels, refuser le nucléaire et le gaz de schiste revient à pousser la solution qui émet le plus de CO2 : le charbon.
Pour l’instant, la transition allemande n’est pas climatique, car le charbon y est le principal substitut à l’atome. En France, le charbon a progressé en 2012 dans la production électrique au détriment du gaz, induisant 2 millions de tonnes de CO2 supplémentaires. A l’inverse, la croissance du gaz aux Etats-Unis se fait au détriment du charbon et du pétrole, avec un effet positif sur les émissions. Même si la Chine utilise encore massivement le charbon, elle vient de le bannir dans les centrales à Pékin et Shanghai, et elle développe rapidement l’éolien et le nucléaire. On ne peut donc justifier l’immobilisme face au climat en Europe au prétexte qu’il ne se passe rien en Chine ou aux Etats-Unis.
Il est en revanche vrai qu’une coordination mondiale est nécessaire pour éviter que les progrès d’un pays ne soient annulés ailleurs – à l’image du charbon américain, dont le remplacement par le gaz réduit les émissions aux Etats-Unis et les augmente en Allemagne où il est exporté. Economiquement, la solution serait de donner au CO2 un prix mondial reflétant ses nuisances, estimées à 30 euros la tonne, d’une façon neutre pour la compétitivité. Par exemple, une taxe perçue sur les grandes consommations de CO2, dont les taxes similaires acquittées dans le pays d’origine du produit seraient déductibles.
On peut débattre des voies d’une telle coordination. Mais c’est surtout une question de priorité, à l’heure où des coordinations ont su se former à l’OCDE sur l’érosion fiscale ou en Europe pour une taxe sur les transactions aux bénéfices moins consensuels que ceux d’une réduction des émissions de CO2.
Aussi, les motifs pour renoncer à lutter contre le réchauffement ne sont ni scientifiques, économiques ou diplomatiques. Il s’agit avant tout d’une lourde responsabilité politique, prise face aux générations à venir.