(version en cours de rédaction)
Derrière le débat sur le montant des rémunérations des patrons et des traders (que je ne vais pas aborder ici), se cache la question de l’alignement de l’intérêt financier des dirigeants avec l’intérêt de long terme.
Il existe trois grands types d’outils pour celà :
– la valeur de marché de l’entreprise. On peut donc donner des actions ou des dérivés d’actions, c’est à dire lier l’intérêt financier des dirigeants au prix de l’action. L’avantage de ces outils sont leur simplicité (pas de calcul complexe à faire sur ce que le dirigeant a fait gagner : il suffit de lui donner un pourcentage de l’entreprise, ou des options lui donnant droit à une part de l’entreprise). L’inconvénient est que l’intérêt de long terme de l’entreprise n’est reflété que de façon imparfaite dans le prix des actions : ils varient fortement, peuvent être manipulés (une déclaration optimiste du dirigeant la veille de sa levée d’option peut lui faire gagner des millions) et ne réflètent pas uniquement la valeur objective de l’entreprise
– les profits de l’entreprise. On peut alors donner au dirigeant non pas des actions, mais un droit non négociable (c’est à dire qui ne peut pas être revendu) aux dividendes – ce qui conduit à ce que l’intérêt financier du dirigeant ne soit non pas la valeur de l’action anticipée par les marchés (qui est un concept manipulable, volatil et limité par la capacité des marchés à accepter une stratégie), mais le niveau anticipé par le dirigeant des revenus des 15 années à venir (ce qui le poussera vers les projets effectivement rentables, plutot que ceux que le marché, avec ses errements, ses bulles et sa difficulté à comprendre une stratégie complexe, atypique ou audacieuse, peut considérer comme tels à un instant donné).
C’est ainsi que les dirigeants des « partnerships » (tels que Goldman Sachs, ou certains cabinets d’avocats avant son introduction en bourse) ou les actionnaires « familiaux » de sociétés non cotées sont rémunérés. Une variante de ce mode de rémunération consiste à rémunérer l’action d’un dirigeant non pas en bonus encaissable directement, mais en droits à retraite supplémentaires, dont la valeur dépendra de l’état de l’entreprise dans 10 ou 20 ans. L’avantage de cette solution est qu’elle ne recoure pas aux marchés (et permet donc au dirigeant de porter des décisions pertinentes mais difficiles à comprendre par les marchés, et lui évite de succomber aux folies passagères et aux bulles des marchés en visant plutôt les revenus à 10 ou 20 ans), l’inconvénient étant que cet « outil » d’un genre nouveau ne bénéficie pas des exonérations notamment sociales auxquelles les stock options donnent droit.
– un bonus discrétionnaire. En effet, les actionnaires peuvent toujours décider que le revenu des dirigeant sera une formule qu’ils peuvent définir librement. Le bonus peut être annuel (cas des traders ou des vendeurs travaillant à la commission) ou pluriannuel (mais c’est difficile à mettre en œuvre dans les groupes internationaux, car cela suppose de suivre les salariés pour leur verses les bonus liés à leur activité dans leurs postes précédents).L’inconvénient principal de cette formule est d’une part la capacité du dirigeant à manipuler les termes sur lesquels il est jugé (il maitrise en partie le thermomètre sur lequel il sera jugé) et, d’autre part, le fait qu’une formule spécifique, les stock option, dispose d’un avantage fiscalo social tel qu’il est difficile d’examiner d’autres voies.
Le bonus annuel est plus adapté aux salariés dont la contribution est mesurable sur une base annuelle (revenu de trading, objectif de ventes, nombre de pièces réalisées,…), alors que les incitations pluriannuelles conviennent mieux aux personnes dont la contribution est difficile à mesurer par des objectifs précis, ou ceux pour lesquels ont attend justement qu’ils trouvent des voies pour augmenter la valeur de l’entreprise.
Pour des raisons de justice et de cohérence fiscale, il serait difficile de rendre la troisième option (actuellement pénalisée par rapport aux stock options, qui n’acquittent notamment pas de cotisation sociales employeur) plus attractive. En effet, détaxer les bonus conduirait à ce que les entreprises transforment progressivement les salaires fixes en bonus, pour réduire leurs taxes. On pourrait discuter de l’intérêt de taxer les salaires (je pense personnellement que c’est une mauvaise assiette de taxation) – mais à partir du moment où l’on décide de les taxer il nécessaire d’être cohérent et taxer tout le monde de façon équitable.
En revanche, à l’heure où tout le monde dénonce les excès des marchés, on pourrait sérieusement se demander si des outils nettement plus favorable à l’intérêt de long terme de l’entreprise que les stock options ne pourraient pas être étudiés. En particulier, l’idée que les dirigeant soient récompensés pour leur performance par des titres non négociables plutôt que par des stock-option mériterait d’être prise en considération…