Deux à six degrés de plus d’ici 2100 avec des conséquences environnementales graves et irréversibles. C’est la projection sur laquelle s’accorde la majorité des experts. Impératif climatique (les émissions de CO2 doivent être limitées pour préserver le climat), la transition énergétique est également un impératif écologique (les ressources les plus utilisées sont non-renouvelables ou en voie d’épuisement) mais également moral : le statu quo n’étant pas soutenable, il faut agir dès maintenant.
Une nécessaire transparence
Le premier devoir politique est celui de la transparence démocratique : expliquer aux citoyens les enjeux, coûts et bénéfices de la transition, pour qu’il puisse exprimer une opinion sur les choix possibles. Le second devoir est celui de la clarté. On se perd en effet facilement face aux multiples options pour produire une énergie plus verte, développer des technologies bas-carbone, renforcer l’efficacité énergétique ou promouvoir une juste consommation.
En Europe, c’est le marché qui sélectionnera les options de transition énergétique
Mais les moyens publics sont limités et ces solutions contribuent inégalement aux finalités de la transition énergétique. L’Europe ayant choisi le marché pour organiser son système énergétique, c’est le marché qui sélectionnera les options qui apportent à la transition plus qu’elles ne coûtent aux français – au travers des décisions des entreprises et des ménages, qui choisiront ce qu’ils trouvent le plus avantageux économiquement. Il est donc nécessaire que ce qui importe aux Français se traduise par un prix juste. Faute de quoi le marché continuera à balayer les objectifs non quantifiés – le climat sera perdant si le CO2 est au mauvais prix, il y aura un jour des black-out si la continuité d’approvisionnement n’a pas de valeur, et les décès liés aux particules fines augmenteront si les risques énergétiques sont mal pondérés.
Des objectifs de transition non traduits dans les prix de l’énergie
Or sur les quatre finalités de la transition – maîtriser les prix, réduire l’impact sur le climat, garantir la disponibilité et maîtriser les risques liés à l’énergie – seule la première est traduite par un prix, celui du kwh. Pour la sécurité d’approvisionnement énergétique, un prix sera donné par le « marché de capacité » mis en place en 2015 en France – mais avec peu de cohérence européenne malgré les interdépendances entre pays.
L’impact climatique est valorisé par un marché des quotas carbone basé sur des hypothèses dépassées, avec peu de perspectives d’atteindre le juste prix de 30 €/tonne. Or un prix trop bas empêche d’investir dans les technologies qui émettent moins (comme le gaz face au charbon) ou la capture du co2. Le prix de la sûreté est, enfin, à géométrie variable, certaines énergies sont proscrites (gaz de schiste) et d’autres limitées (nucléaire) ce qui conduit à faire augmenter le charbon. Or les rares études scientifiques[1] montrent que le charbon entraîne 28 décès par TWh, 10 fois plus que le gaz, et 400 fois plus que le nucléaire (hors déchets)…
Quatre prix à fixer: une nécessité pour éviter les incohérences
Fixer ces quatre prix, que ce soit au travers de mécanismes de marché (comme le marché de capacité) ou par l’expertise (celle des risques), est une nécessité pour que les incitations du marché aillent dans le sens des ambitions affichées, et éviter de coûteuses incohérences. C’est également la meilleure façon de permettre aux Français de faire des choix sans en ignorer les coûts. C’est enfin un préalable à une convergence européenne : tous les pays partageant les quatre objectifs de la transition, l’enjeu n’est pas pour les français de critiquer les choix allemands, ou vice-versa, mais d’aller vers des prix européens qui traduisent la somme des préférences de l’ensemble des citoyens européens.
Vincent Champain et le pôle énergie de l’Observatoire du Long Terme (https://longterme.org)
[1] Markandya, A.; Wilkinson, P. Electricity generation and health. Lancet 2007.