Publié dans l’Opinion le 8 mars
Le débat public sur la retraite pose quatre questions. D’abord, le
système collectif est-il juste ? Pourra-t-il tenir ses promesses ?
Ces promesses sont-elles comprises de chacun ? Compte tenu de ce qu’il en
comprend, chacun peut-il définir un complément individuel dans de bonnes
conditions ?
La justice d’un système de retraite se juge d’abord à sa capacité à éviter la
pauvreté en fin de vie. C’est notamment le rôle de l’ASPA qui assure environ 70% du
SMIC aux plus de 65 ans n’ayant jamais cotisé, mais aussi des prestations,
notamment celles en faveur de la dépendance (jusqu’à 1900 euros par mois) ou
l’assurance maladie (la France est en tête des pays européens en termes de
dépenses publiques de santé, celles des plus 75 ans représentant 5 fois celles
des actifs). Le deuxième objectif est l’égalité actuarielle, c’est-à-dire
l’égalité vis-à-vis du rapport entre retraite obtenue et cotisations versées. La
fin de la plupart des régimes dérogatoires y a nettement contribué, mais on
notera que la proposition créant un système par point unique au lieu de régimes
séparés serait allé en sens inverse en créant une subvention massive des non
cadres vers les cadres, ces derniers vivant plus longtemps. Certains veulent
confier au système de retraite un rôle supplémentaire, par exemple de
redistribuer entre revenus du capital et du travail. Quoiqu’on pense de ce débat,
il n’a aucune raison de se limiter aux retraités mais doit trouver sa place ans
le débat sur les politiques de prélèvements, d’allocations ou de services
publics.
La capacité du système
de retraite à tenir ses engagements a fait l’objet de la plupart des réformes
et les prévisions d’équilibre du Conseil d’orientation des retraites ont contribué
à clarifier ce débat. La question posée par la réforme actuelle est celle du
niveau de prudence de ces prévisions : faut-il garantir l’équilibre même dans des
hypothèses de croissance, de chômage ou de durée de vie prudentes ou rendre probables
de nouvelles réformes demain ? La difficulté de ce type de réforme et
l’incertitude qu’elles induisent quand elles se succèdent trop vite devrait
nous pousser vers la prudence.
S’agissant de la
transparence, seuls les bénéficiaires de minimas sociaux ou ceux des régimes garantissant
un pourcentage du dernier salaire ont une vision claire sur le niveau de
retraite auquel ils pourront prétendre. La pire situation est celle des jeunes,
dont un nombre croissant considère – à tort – qu’il n’aura rien du tout. L’incertitude
règne également sur le niveau de dépense auquel chacun devra faire face en
fonction de sa situation familiale. Par exemple, seuls ceux qui y ont été
confrontés savent que le séjour moyen en EHPAD en région parisienne coûtera
140.000 euros, avant lequel il faudra souvent prévoir une phase d’aide à
domicile.
On doit enfin noter
que les réformes successives nous ont fait passer d’un système assez généreux
pour couvrir tous les besoins des retraités à une situation où chacun doit
constituer une épargne complémentaire. Or ceux qui le font sont confrontés à
une jungle opaque, et les frais prélevés sur cette épargne constituent
désormais un enjeu supérieur à celui du financement des régimes. Ainsi,
entre l’épargne retraite aux frais les plus élevés du marché et aux frais les
plus bas, la différence du montant de la rente après une vie d’épargne est d’un
tiers. En outre, la création de niches fiscales réservées à des produits
purement français pousse les frais à la hausse, par rapport aux niveaux bien
plus bas des des produits soumis à une concurrence internationale. De même l’investissement
« responsable » augmente le cout de l’épargne pour un bénéfice social
discutable. Les scandales récents ont enfin prouvé l’intérêt pour les futurs
retraités de mieux encadrer les couts comme les pratiques des EHPAD.
Au total, les réformes
ont jusqu’ici d’abord cherché à consolider la situation des régimes de
retraite. Nous devrons à l’avenir nous intéresser davantage à la situation des futurs
retraités.
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