Publié dans Les Echos le 11 janvier 2024
L’année 2023 s’est achevée sur des risques de guerre, de terrorisme, de chômage, de perte de pouvoir d’achat et de dérèglement climatique. Mais sans négliger ces défis, d’autres sujets peuvent nous rendre plus optimistes. Ainsi, l’INSEE prévoit le retour à 2.6% d’inflation mi-2024. Au-delà, des catégories comme l’énergie, l’alimentation, la santé ou l’éducation font 40% de la consommation des ménages : notre modèle protège donc le pouvoir d’achat plus que celui d’autres pays. Certes il existe un risque de « shrinkflation » des services publics (recevoir moins, payer autant), mais notre secteur non marchand offre, compte tenu de sa taille, des marges de redéploiements inconnues ailleurs : si l’homéopathie n’est plus remboursée depuis 2021 (après 47 ans de déficits publics), les cures thermales le sont encore. En matière d’insécurité, les statistiques sur trente ans montrent une nette réduction des homicides volontaires, des accidents routiers (malgré la hausse des distances parcourues) ou, malgré les hausses récentes, des vols avec violence – certes contrebalancée par des hausses notamment des escroqueries en ligne.
S’agissant de l’emploi, les réductions de taxation du travail et des rigidités réglementaires engagées depuis trente ans ont permis de réduire le chômage aux niveaux de 1982. On peut certes regretter que la « flexicurité à la française » ait été plus « flexi » (emplois plus flexibles) que « curité » (moyens d’accompagnent pour ramener à l’emploi ceux qui en sont éloignés), mais c’est aussi un motif d’espoir : en y mettant les moyens, nous pouvons augmenter notre taux d’emploi de 10 points et bénéficier au passage d’un surcroit d’activité et de recettes publiques.
L’innovation n’est pas à l’arrêt : dans un nombre croissant de cas, le SIDA ou le cancer deviennent des maladies chroniques, et les bénéfices de l’ARN messager ou de la médecine personnalisée sont encore largement devant nous. La loi de Moore (qui a induit une hausse exponentielle des capacités de calcul) touchera ses limites physiques mais le « more than Moore » nous réserve encore des décennies d’améliorations, notamment grâce à des architectures de circuits en 3 dimensions. L’efficacité énergétique du numérique a été jusqu’ici délaissée pour une raison simple : économiser le travail des développeurs quitte à consommer plus de puissance informatique. L’inversion des prix relatifs de l’heure de programmation et de la tonne de carbone nous conduira à optimiser l’efficacité énergétique du digital et, toutes choses égales par ailleurs, augmentera le travail des développeurs. Nous n’avons enfin qu’effleuré le potentiel de l’intelligence artificielle : elle nous permettra de nous concentrer sur les nombreuses tâches qui ne peuvent ou ne doivent pas lui être confiées.
Au niveau mondial les inégalités, la durée de vie ou l’accès au soin et à l’éducation n’ont cessé de s’améliorer. La mortalité infantile a baissé de 45% sur 20 ans et les pires scénarios de surpopulation s’éloignent : le nombre moyen d’enfants par femme est passé de 4.6 en 1972 à 2.3 actuellement (7 à 4 pour les pays les moins avancés). Certes, l’humanité doit affronter le défi climatique et développer pour cela des solutions en partie encore inconnues. Mais cette part diminue : l’Agence Internationale pour l’Energie estimait en 2021 que 50% des réductions d’émissions nécessiteraient des technologies non encore disponibles. C’est désormais 35%. Et nous sommes loin d’épuiser le potentiel des solutions connues : chaque EPR mis en service aura le même impact qu’interdire toute circulation automobile en Ile de France.
Ressasser ses angoisses n’a jamais permis de les dissiper. Nous devons au contraire regarder les faits statistiques avec le recul nécessaire. Ensuite nous donner les moyens de trouver les solutions adaptées, sans être otages de ceux qui amplifient nos doutes pour nous diviser et nous condamner à l’inaction – le Washington Post a montré fin 2023 que certains pays en ont fait un moyen privilégié de déstabilisation. Notons que les jeunes nés avec les réseaux sociaux ont le plus de recul par rapport aux limites de cette source d’information – une raison supplémentaire d’être optimistes pour l’optimisme français.