Publié le 31 mai dans l’Opinion
Dans un récent rapport sur les incidences économiques de la transition climatique, France Stratégie analyse les actions nécessaires à dix ans pour que la France remplisse ses objectifs. La nécessité d’une action mondiale pour réduire notre empreinte carbone et l’impératif pour la France d’y prendre sa juste part font désormais l’objet d’un large consensus. En revanche, comme le prouve ce rapport, la situation est très différente s’agissant des moyens pour réaliser et financer cette transition.
Concernant les moyens, le rapport estime l’effort à une centaine de milliards sur dix ans, dont un tiers financé par la réduction d’investissements « bruns » (émetteur de gaz à effet de serre, comme les chaudières au fuel). L’ordre de grandeur est peu contestable. En revanche, le programme présenté dans le rapport repose largement sur une approche planifiée (réglementation, fiscalité, aide à l’investissement ou investissements publics) plutôt qu’une approche plus décentralisée, basée sur un prix carbone. Cette position peut s’expliquer par les difficultés rencontrées par les tentatives de mise en place d’une telle taxe. Mais elle revient à refuser de confronter les français au coût direct de la transition climatique et à choisir des modalités au coût indirect plus élevé mais moins visible. Ainsi, subventionner massivement les voitures électriques augmentera les dépenses publiques plus que nécessaire, là où confronter les français à l’impact carbone de leur mobilité aurait probablement conduit certains ménages urbains à privilégier des deux roues électriques, moins consommateurs de métaux rares et d’engorgement des villes. Faut-il multiplier les subventions pour des rénovations margées généreusement et basées sur des diagnostics dont l’efficacité montre de sérieuses lacunes ? L’étude de 60 millions de consommateurs, ou l’avis de n’importe qui ayant réalisé ce type de travaux, devraient pourtant donner à réfléchir. La méthode « réguler, dépenser et taxer » recueillera forcément l’enthousiasme du plus grand nombre, chacun pensant réaliser ses travaux aux frais des autres. Est-ce pour autant la plus conforme à l’intérêt général ? On peut imaginer une politique plus micro-économique, soucieuse de l’efficacité des actions engagées dans la pratique et intégrant davantage la responsabilité individuelle, la transparence ou la concurrence. Elle fournirait à chacun une estimation plus fine du retour sur investissement de ses travaux, stimulerait l’innovation comme la concurrence entre prestataires ou fournisseurs et renforcerait la protection du consommateur face aux allégations et au démarchage agressif.
S’agissant du financement, France Stratégie invente un ISF climatique. Pourquoi oublier le principe d’unité budgétaire – financer par le budget général ce qui est nécessaire, et gérer le financement de toutes les dépenses avec une fiscalité aussi optimale que possible, plutôt que d’inventer une taxe par dépense ? Il en va de même pour les enjeux de redistribution : la transition climatique aura certainement un effet mais qui se superposera à d’autres – paupérisation des services publics (qui restera, de loin, le premier vecteur d’inégalités), désertification de certains territoires ou le développement de l’intelligence artificielle. Il est plus efficace de corriger la somme de ces effets que de créer une taxe pour chacun. Enfin, notre dette publique atteint 3000 milliards, dont plusieurs centaines au titre de la crise Covid. Faut-il inventer une taxe dédiée à un effort climatique qui représente 1 à 2 % de cette dette ? Il semble plus urgent de maîtriser 100% de cette dette, et de rester conforme au principe d’unité budgétaire, qui permet en outre de baser nos impôts sur des fondements stables dans le temps, plutôt que d’en inventer un pour chaque rapport au risque de réduire encore la stabilité et l’efficacité de notre fiscalité.
Le rapport de France Stratégie a le mérite de rappeler les ordres de grandeurs, les directions et l’urgence d’une action climatique volontariste. En revanche, on aurait souhaité qu’il se focalise davantage sur l’efficacité des politiques climatique ou la recherche d’innovations vertes abordables que sur la recherche d’innovations fiscales.