Le non-emploi : une mesure extensive mais peu manipulable de la sous-activité
Le taux chômage publié par le ministère du travail mesure le nombre de personnes sans emploi, recherchant un emploi et disponibles quel que soit le contrat proposé. Cette mesure est restrictive : elle ignore les chômeurs en longue mala-die, découragés, radiés, en stage « parking » ou voulant un CDD à temps partiel. Pour mesurer la capacité d’un pays à employer ses ressources humaines ce n’est pas au chômage qu’il faut s’intéresser. C’est au « non emploi » – le nombre de personnes en âge de travailler n’ayant pas d’emploi.
Le non-emploi ne sera jamais égal à zéro : il est normal qu’une personne malade puisse ne pas travailler, et nécessaire que des jeunes étudient. En revanche, le non-emploi se prête difficilement aux manipulations « cosmétiques » consistant à passer les demandeurs d’une catégorie à l’autre. Il permet aussi de comparer des pays de même niveau de développement (qui n’imposent pas le travail aux en-fants ni ne poussent des salariés inaptes au travail). Enfin, si l’emploi est la priorité, c’est par définition le non-emploi qui doit être la cible.
La France plus mal classée sur le non-emploi que sur le chômage
Mi-2015, il y avait en France 14,8 millions de personnes entre 15 et 64 ans non employées. On dépassait 15 millions en neutralisant les contrats d’insertion (qui ont un rôle social mais qui sont rarement des emplois « productifs »). Avec un taux de 36,2%, nous dépassions la moyenne de l’OCDE (33,9%). L’Allemagne faisait bien mieux (26,3%). La Suède (24,7%) arrivait à employer de 11,5% de sa population de plus que nous : nous aurions 4,7 millions d’emplois de plus si nous avions le même taux de non-emploi – soit plus que nos 3,6 millions de chômeurs !
Le taux de scolarité français n’explique pas cette différence : le non-emploi des 25-64 ans en France reste supérieur de 11,2 points à celui de la Suède (28,2% contre 17%). C’est plutôt du côté de l’âge de la retraite (65 ans en Suède) qu’il faut regarder, ainsi que des 1,3 millions de personnes voulant travailler mais ayant renoncé à trouver un emploi. On notera que la performance des Etats-Unis (26,5%) est moins bonne que leur bas taux de chômage (inférieur de 5 points au notre) ne le laisse supposer – de nombreuses personnes y étant retirées du marché du travail.
Un dégradation depuis la fin de la crise
La dynamique de baisse du non-emploi qui semblait engagée avant la crise de 2008 ne donne pas de signe clair de reprise : la modeste amélioration de 2015 (-0,2%) n’a pas effacé la forte dégradation qui a eu lieu au courant de l’année 2014 (+0,5%).
A l’inverse une politique ciblée sur le taux de non-emploi nous conduirait à agir à la fois pour accélérer le retour à l’emploi des demandeurs, et la création d’emploi des entreprises. Pour ce qui concerne les demandeurs, il faudrait renforcer les services d’orientation et d’accompagnement (qui restent très insuffisants en France). S’agissant des entreprises, pour qu’elles créent plus d’emploi il faudrait réunir les quatre facteurs sans lesquels aucune entreprise (qu’il s’agisse d’un artisan ou d’une multinationale) ne crée pas d’emplois. D’abord une demande soutenue, c’est-à-dire des investissements, de la consommation ou des marchés à l’export. Ensuite, des facteurs de production compétitifs (prix de l’énergie, accès au capital, réseau de sous-traitants,…) et un environnement des affaires favorable (efficacité et clarté du droit fiscal, social ou des réglementations). Enfin, des talents (entrepreneurs créant de nouvelles entreprises, intrapreneurs développant des projets au sein d’entreprises existantes et salariés prêts à l’emploi) orientés vers le secteur marchand.
Bref, il est plus qu’urgent d’inverser la courbe du non-emploi !
Le groupe performance publique de l’Observatoire du Long Terme