Les véhicules électriques sont souvent critiqués au motif qu’ils émettent indirectement du CO2 lorsque l’électricité provient de centrales thermiques – ce qui est encore aujourd’hui le cas de 68 % de l’électricité produite dans le monde. N’est-il pas du coup plus efficace de transformer le carburant directement en mouvement dans le moteur du véhicule plutôt que de faire tourner une turbine couplée à un alternateur pour produire de l’électricité qu’il faut retransformer ensuite en mouvement grâce à un moteur électrique ?
En fait, non. Pour plusieurs raisons. D’abord, l’efficacité d’une centrale électrique de dernière génération peut atteindre 54 %. Tandis que celle d’un moteur à essence est nettement inférieure, plutôt de l’ordre de 38 %. Ensuite, un moteur électrique ne consomme rien aux feux rouges, alors que le ralenti d’un moteur thermique en utilisation urbaine représente plus d’un sixième de sa consommation. En outre le véhicule électrique peut récupérer l’énergie que perd un véhicule thermique au freinage : en utilisant son moteur électrique comme un générateur électrique, il recharge sa batterie. Enfin, son moteur est assez performant pour fonctionner sans boîte de vitesses, ce qui réduit les pertes liées à la transmission.
Utilisation de 100 litres d’essence par une moto thermique
Utilisation de 100 litres d’essence par une moto électrique
Au total, sur 100 l d’essence, 7 seront réellement utilisés pour faire avancer une voiture thermique, alors que ce chiffre pourra atteindre plus du double pour le véhicule électrique dont l’énergie proviendrait d’une centrale au fioul : ce sera donc plus écologique. C’est évidemment moins vrai si l’électricité est produite à partir de charbon, ou si les centrales électriques sont d’un modèle peu performant. Il est donc inexact d’affirmer que rouler à l’électricité d’origine thermique – en attendant que les renouvelables prennent le relais – ne fait que déplacer voire aggraver les émissions de CO2.
Le bénéfice écologique est encore plus important lorsque l’on passe d’une voiture thermique à un deux-roues électrique. En ville, 66 % du temps d’utilisation d’une voiture sert au déplacement et 33 % sont perdus à attendre dans les embouteillages ou à chercher une place de parking. Un deux roues réduira ce gaspillage d’énergie, non seulement pour l’utilisateur, mais aussi pour celui qui continuera à se déplacer en voiture, puisque les rues seront moins encombrées !
Reste que pour les habitués du 4 roues pour les petits parcours urbains, le passage à un 2 roues n’est pas aisé à franchir. Le principal obstacle à sa diffusion massive dans les pays occidentaux n’est cependant pas forcément la question du confort – il existe des scooters équipés d’habitacles pour être protégé de la pluie – mais l’intérêt économique. Si, entre le prix d’achat, le prix de revente et le coût de fonctionnement, le client ne s’y retrouve pas, le marché restera restreint à un petit nombre de militants, bien trop insuffisant pour rentabiliser les investissements industriels nécessaires pour produire en masse.
Or en matière de deux roues, il existe des alternatives électriques supérieures sur pratiquement tous les plans à des modèles thermiques. Prenons l’exemple de la moto Zero SR de la société américaine Zero Motorcycles, dont l’équivalent thermique serait une 600 cm3. Elle est capable de passer de 0 à 100 km/h en 3,3 secondes, soit mieux qu’une Porsche 911 Turbo. Mais la grande majorité des motards ne savent même pas qu’un tel produit existe. Ils imaginent souvent que la moto électrique est un engin poussif, alors que les modèles récents affichent des performances qui surpassent désormais les motos thermiques les plus puissantes.
Par ailleurs, les usagers potentiels sont parfois arrêtés par le prix d’achat élevé (14 000 € pour une Zero S contre 7 000 € pour une Honda 600 cm3), mais n’ont aucune idée des économies de carburant et d’entretien qu’ils peuvent réaliser par la suite. Or, sur dix ans d’utilisation c’est en fait la moto électrique qui est la moins coûteuse (voir graphique). Si les usagers peinent à évoluer vers une mobilité plus écologique, ce n’est donc pas forcément pour des raisons purement économiques. Il y a aussi une méconnaissance des solutions disponibles et un problème de focalisation sur le court terme : le coût d’achat rebutera beaucoup de clients potentiels, alors que la solution la plus économique à long terme est au contraire d’investir en payant ensuite moins cher au kilomètre.