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Communication et politique : divorce ou secondes noces ?

(avec Nina Mitz, paru dans Stratégies le 11 mai 2006)

Selon le baromètre SOFRES/Figaro, 60 % des Français faisaient confiance à Jean-Pierre Raffarin lorsqu’il a été nommé Premier Ministre et il a mis plus d’un an pour descendre en-dessous du niveau de 40 %, auquel a débuté Dominique de Villepin. Celui-ci n’a d’ailleurs jamais réellement décollé : à part en août 2005, le nombre de Français qui ne lui faisaient pas confiance a toujours été supérieur au nombre de ceux qui lui faisaient confiance. Ces chiffres étonnent, car ils divergent de l’impression que donnait jusqu’au conflit du CPE – et à fortiori jusqu’à la récente affaire Clearstream – le Premier Ministre là où les Français pouvaient le voir le plus souvent : à la télévision.

Cet écart se retrouve dans une autre enquête SOFRES, consacrée à la crédibilité des médias. Elle montre que depuis 20 ans, la crédibilité de la télévision a fortement baissé : la part de ceux qui pensent que les choses se sont passées comme le dit à la télévision est passée de 65 % en 1998 à 44 % en 2006. C’est vrai, dans une moindre mesure, pour la radio, la presse étant relativement moins touchée.

On pourrait s’en inquiéter et y voir le signe d’une dégradation de la qualité des médias, si ce constat n’allait pas de pair avec une autre réalité. En vingt ans, l’information télévisée à été partiellement privatisée, mais elle n’a pas été mise très fortement en concurrence : pour la plupart des Français cette information est encore en fait limitée à 4 ou 5 chaînes, et la concurrence, comme les moyens des rédactions, restent somme toute assez modestes. La concurrence a été plus forte pour l’information radiophonique, avec par exemple la création des FM d’abord, puis le lancement de France Info ou de BFM. L’information écrite, quant à elle, a été soumise à une double révolution : technologique, avec le développement d’internet et des nouvelles technologies de communication, et économique, avec le développement de la gratuité, qu’il s’agisse de la presse ou des sites web des journaux. Plus personne ne « contrôle » l’information – certains blogs allant jusqu’à corriger des erreurs lues dans la presse. L’arrivée en nombre de médias étrangers, captés facilement par le Web ou les bouquets numériques – et demain le téléphone mobile – , procure également une alternative crédible à ceux qui cherchent à se faire librement une opinion.

Cette révolution technique des mass media n’a pas d’équivalent dans l’histoire de la communication. Nous sommes passés du « one to one » d’antan, qui privilégiait la relation personnelle, au « one to many » (imprimerie puis mass media) des années 30 à 60 au « many to many » (multiplication et éclatement des médias dont internet). Il faut désormais des professionnels d’un nouveau type capables de s’adapter non seulement à une grande exigence de rapidité mais aussi à la fin de l’hexagonalité. Il leur faut savoir dépasser les outils classiques du « spin doctoring », dont l’utilisation est encore trop souvent aléatoire, comme si l’accumulation d’expressions pouvait occulter la vacuité de l’ensemble. Ils doivent savoir anticiper l’impact sur l’opinion d’informations de toute origine pour les traiter professionnellement, systématiquement et immédiatement et non pas sporadiquement et doucement comme cela était possible jusqu’à présent.

Deux écoles peuvent être remarquées. L’école « créative », plutôt latine et l’école « méthodique » plutôt américaine. La compétition est telle et l’internationalisation si installée, qu’il ne suffit plus désormais d’être bon dans l’un de ces axes seulement.

Ainsi, le parcours de Blair doit-il beaucoup à un « mix » vertueux entre une communication politique de qualité et une action rénovatrice mises au point par Mandelson et Gould orchestrant les idées de Giddens. De même Clinton, aux Etats-Unis, a-t-il su faire confiance à Carville pour choisir l’économie comme point d’articulation de sa campagne et laisser Rubin et Greenspan en assurer la réussite..

Cette professionnalisation de la communication nous emmène-t-elle vers un modèle dans lequel la politique se vend comme de la lessive ou du café ? Nous pensons le contraire, et ce pour deux raisons. D’abord parce que, contrairement à la lessive, les choix politiques renvoient aux valeurs et induisent une implication personnelle. Ensuite, parce que la communication n’est déterminante que lorsqu’il n’existe pas de vrais choix. Or en 2007, la France aura un choix à faire : un modèle libéral, déjà incarné à droite, et un modèle socio-démocrate, que la gauche devra proposer.

À propos

Dédié à l'analyse des questions économiques, sociales et environnementales de long terme, L'Observatoire du Long Terme se fixe pour objectif de donner davantage de visibilité à ces enjeux dans le débat public. Dans ce contexte, il donne la parole à des contributeurs variés, avec pour seul critère le caractère étayé des arguments présentés.

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