John Sutton a publié dans la revue Progressive Politics une étude (traduit par la Fondation jean Jaures ici) essentielle à deux titres D’abord, elle donne une explication extrêmement claire de l’évolution de la mondialisation, et de son impact sur les économies des pays développés. Ensuite, elle explique, avec tout autant de clarté, comment cette évolution n’empêche en rien un pays tel que la France de mener une politique sociale ambitieuse.
Cette étude distingue trois phases dans la mondialisation. Dans la première, les exports des pays à bas coûts du travail sont essentiellement produits à partir de main d’œuvre peu qualifiée – du textile ou de l’habillement par exemple. Dans une deuxième phase, ils intègrent également de la main d’œuvre qualifiée, comme dans l’électronique grand public. La troisième phase correspond aux cas dans lesquels ces pays exportent aussi des produits très capitalistiques, dont le prix n’est plus lié au coût de la main d’œuvre. Ce que montre clairement l’étude de la fondation Jean Jaurès, c’est que les pays tels que l’Inde et la Chine ont depuis le début des années 1990 dépassé la troisième phase. Et, en effet, les activités informatiques sont en trains d’être délocalisées vers l’Inde, et c’est une entreprise chinoise, Lenovo, qui a mis la main sur l’activité de microordinateur d’IBM qui avait donné naissance au PC.
Dans ce contexte, certaines stratégies industrielles sont vouées à l’échec. D’abord, celles qui sont fondées sur l’idée – désormais fausse – qu’il existe des activités dans lesquelles les pays développés disposent d’un avantage absolu durable. S’il existe des entreprises françaises compétitives, elles le doivent de moins en moins à ce qu’elles produisent, et de plus en plus à la façon dont elles ont su évoluer pour rester compétitives. Les stratégies fondées sur le « nationalisme économique » sont également condamnées, car pour être compétitif au niveau mondial les entreprises doivent pouvoir disposer des meilleurs fournisseurs. Autrement dit, pour être compétitif à l’export, il faut être compétitif dans ses achats, et donc à l’importation.
Mais, même dans un contexte aussi compétitif, il n’y a pourtant pas de fatalité, et il reste possible de construire un modèle social généreux. Mais, sauf à tirer vers le bas le pouvoir d’achat national, la générosité de ce modèle ne peut plus se mesurer au niveau de stabilité des postes et des statuts (et notamment ceux de ses cadres supérieurs). Or c’est pourtant ce qui caractérise le modèle français, qui indemnise une fraction de l’ancien salaire au lieu d’accompagner vers le futur emploi, qui traite mieux les vieux que les jeunes, qui accompagne davantage les salariés de grands groupes que les salariés des PME ou les indépendants.
Ecoutons plutôt Sutton : nous pouvons avoir un modèle aussi généreux mais plus compétitif si cette générosité vise non pas la stabilité des postes, mais la recherche du meilleur emploi, c’est à dire l’identification pour chacun du meilleur compromis possible entre ce qu’il veut, ce qu’il peut et les diffférentes possibilités que pourrait lui offrir le marché du travail, au besoin après une formation (voir sur ce sujet le site www.supprimerlechomage.org). Mais pour valoriser ainsi la diversité et la créativité collective des Français, il y a sans doute un préalable : la diversité et à la créativité de nos responsables publics.