jeudi, novembre 21, 2024

Dette publique, croissance et relance

La dette publique française dépassera 86 % du PIB fin 2010 selon les estimations du gouvernement. Est-ce grave ?

Notons d’abord qu’une dette (c’est à dire l’argent dû par un Etat) ne pose de difficulté que si elle est supérieure aux actifs (c’est à dire l’argent qui peut être obtenu par ce même Etat). Autrement dit la question est moins celle du niveau de la dette que du niveau de « l’actif net public » (valeur des propriétés publiques – dette publique). Et malheureusement ce bilan est négatif


Source : Cour des Comptes

On peut évidement discuter de la méthodologie retenue (certains actifs tels que l’Arc de Triomphe ne sont probablement pas enregistrés à leur valeur de marché, c’est à dire la valeur qui pourrait être obtenue en les vendant aux enchères). On pourrait également noter que ce tableau ne comptabilise pas les actifs « immatériels » (c’est à dire, par exemple, la valeur de marché des connaissances scientifiques du pays).

C’est vrai, mais une chose est sure : en évolution, la croissance forte de la dette publique des années récente n’a eu aucune contrepartie en terme d’accélération des créations d’actifs, matériels ou immatériels.

Si l’on reprend les estimation de la Cour des Comptes, en supposant que la valeur des actifs n’a progressé que de l’inflation de 2008 à 2009, le bilan de la France s’est dégradé de plus de 100 milliards en 2009


Avec un taux d’intérêt moyen de 4 %, ces 123 milliards représentent une ponction stérile d’envrion 5 millards d’euros par an. Et c’est là que réside le premier problème économique de la dette : cette « ponction stérile » va peser sur l’activité car une partie de l’effort de la nation ne donnera aucun retour à ceux qui le réalisent mais sera ponctionné.

Notons cependant que la dette n’est pas le seul élément à pouvoir réaliser des « ponctions stériles » : après la seconde guerre mondiale, les ponctions à l’Allemagne (et dénoncées à l’époque par Keynes) au titre de la réparation des dommages de guerre ont eu un effet similaire. De la même façon, un état mal géré réalisera une ponction égale au montant de ses gaspillages.

Notons d’ailleurs que c’est probablement là que réside la principale « ponction stérile » dans la plupart des pays développés comme le montre un simple calcul d’ordres de grandeur pour la France :

  • avoir 30 % du PIB en actifs pour 80 % de dette réalise une « ponction stérile » de (80-30)x taux de 4 % = 2 % du PIB
  • les dommages de guerre payés par l’Allemagne ont représenté une ponction d’environ 3 % du PIB à l’époque
  • avoir 50 % du PIB en dépenses publiques et 10 % d’inefficacités réalise une « ponction stérile » de 50 % x 10 % = 5 % du PIB

Le 10 % d’inefficacités n’est pas pris au hasard : ainsi, les programmes de réduction des coûts d’achat dans le public permettent d’obtenir des gains de l’ordre de 20 %. Ce taux ne signifie pas qu’une partie des fonctionnaires ne font rien, mais plutôt que d’autres facteurs vont créer des conditions peu favorables à l’efficacité de leur action :

  • problèmes d’organisation (empilement de structure, manque de rigueur dans la clarification des rôles et responsabilités,…)
  • problèmes de cohérence dans le temps et l’espace des orientations fixées à leur action
  • déficit d’évaluation et de chiffrage préalable des programmes electoraux, lois et réglements
  • appui politique variable donné à l’efficacité de leur action par rapport à d’autres considérations

Un dernier effet négatif de la dette est indirect : une dette élevée va induire un risque élevé de « deleveraging », c’est à dire de réduction des dépenses ou des investissements afin de permettre une réduction de la dette. Or autant les phases d’augmentation de la dette accélèrent la croissance (les gens, les entreprises ou les états consomment plus qu’ils ne gagnent), autant les phases de réduction de la dette vont ralentir la croissance. Faire des économies pour réduire la dette est une bonne chose, mais le faire sans précautions pèsera sur la croissance : la vertu est bien mal récompensée à court terme !

A cet égard, le McKinsey Global Institute a publié une étude intéressante, qui quantifie ces effets par grands acteurs (ménages, entreprises, états) et par pays.


À propos

Dédié à l'analyse des questions économiques, sociales et environnementales de long terme, L'Observatoire du Long Terme se fixe pour objectif de donner davantage de visibilité à ces enjeux dans le débat public. Dans ce contexte, il donne la parole à des contributeurs variés, avec pour seul critère le caractère étayé des arguments présentés.

L'Observatoire est indépendant, ne reçoit aucune aide financière et repose sur le volontariat de ses contributeurs, de son bureau, présidé par Vincent Champain et Bruno Fuchs.

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