Pour une réduction raisonnée des finances publiques


En matière de réforme
publique, il y a deux risques.
Le premier serait d’ignorer le présent
et la nécessaire réduction des déficits. Le second serait d’insulter l’avenir,
en limitant le débat à plus ou moins de moyens et en ignorant les impératifs
qui s’imposeront au cours du prochain mandat, une fois l’équilibre des finances
rétabli.

Car l’analyse des cycles de la réforme publique montre des tendances
claires. Sur les cinquante dernières années, le premier de ces cycles est une
phase de développement, qui fait passer la dépense publique de 35 % du PIB en
1960 à 42 % en 1975. Il s’agit alors d’accompagner le développement du pays, en
construisant de grands services publics comme celui de l’emploi, en élargissant
l’accès à ces services (comme pour l’enseignement supérieur) et en accompagnant
l’activité des entreprises. Une croissance forte et une hausse régulière des
prélèvements ont permis de mener cette phase sans gros effort de gestion.
Le choc pétrolier entame un cycle de dérapage budgétaire. Les dépenses
publiques atteignent 55 % du PIB en 1995, alors que celle des recettes subit
une croissance économique réduite. Les tentatives de relance économique font
gagner quelques points d’activité à court terme, mais augmentent en
contrepartie la dépense et les déficits publics. La dette progresse, tout en
restant soutenable et sans devenir un réel enjeu de débat.
Après 1995, l’adoption du Pacte de stabilité et de croissance et la
surveillance des critères de Maastricht donnent une dimension politique
nouvelle à la maîtrise des dépenses, conduisant les gouvernements successifs à
tenter de maîtriser les taux de prélèvement et de dette. Avec des premiers
résultats : des services d’accompagnement des réformes, des services comme la
DGME ou l’Anap ont été créés et la LOLF a démontré la possibilité d’un
consensus non partisan sur ces sujets. Les dépenses de l’Etat diminuent depuis
dix ans et l’objectif de dépenses de santé a été respecté en 2010. Mais cette
tâche n’est pas achevée pour les dépenses locales (+ 1,8 point de PIB de 1998 à
2008) ou sociales (+ 0,8 point). La crise a enfin rendu ces efforts peu
lisibles, l’effondrement des recettes effaçant les économies réalisées. Elle
véhicule également une vision de court terme.
A rebours d’une crise qui pousse vers le court terme, tant il est urgent de
donner des gages aux marchés sans lesquels notre pays ne peut plus payer ses
dépenses courantes, le cycle suivant sera très probablement celui de la valeur
du service public. Dans un cadre financier contraint par construction, les
efforts de gestion s’orienteront vers deux questions : celle de la focalisation
(compte tenu de moyens contraints, sur quels services concentrer les moyens et
l’attention publics ?) et celle de l’évaluation (quelle est la valeur des
services pour les usagers et comment l’améliorer ?). Certes, des prémices ont
vu le jour sur l’évaluation, nationales avec la mission d’évaluation des
politiques publiques ou mondiales avec l’évaluation Pisa sur l’éducation. Mais
elles comptent encore peu dans la décision publique. L’évolution des missions a
certes été abordée via les externalisations de la Défense ou l’extension des
droits fondamentaux à l’accès Internet lors du jugement du Conseil
constitutionnel relatif à l’Hadopi. Mais il manque une réflexion d’ensemble sur
l’adaptation des services publics à l’évolution des besoins du public et aux
possibilités offertes par la technologie.
Le prochain quinquennat marquera une transition entre ce cycle et le cycle
actuel. Les projets qui le préparent devront donc passer deux tests. Le premier
sera le test du réalisme : proposent-ils des moyens crédibles de réduire la
dette publique ? Le second sera le test de la vision : quelles sont les
réformes proposées pour améliorer la performance des grands services publics –
éducation, santé, emploi ? Et la réponse ne pourra se limiter à mettre plus de
moyens : il faudra préciser quels objectifs vont être améliorés et comment.
Car si les efforts pour rétablir l’équilibre des comptes publics resteront
nécessaires, il faudra se défier des deux façons de parvenir à la faillite : à
court terme en ignorant les comptes, à long terme en négligeant la valeur.
Cet article a été publié dans Les Echos le 19 septembre 2011.
À propos

Dédié à l'analyse des questions économiques, sociales et environnementales de long terme, L'Observatoire du Long Terme se fixe pour objectif de donner davantage de visibilité à ces enjeux dans le débat public. Dans ce contexte, il donne la parole à des contributeurs variés, avec pour seul critère le caractère étayé des arguments présentés.

L'Observatoire est indépendant, ne reçoit aucune aide financière et repose sur le volontariat de ses contributeurs, de son bureau, présidé par Vincent Champain et Bruno Fuchs.

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