Notons d’abord que nos partenaires partent d’un salaire minimum modéré qui pénalise peu l’emploi. Dans les années 90, il avait été démontré que la hausse du salaire minimum du New Jersey (5$) avait augmenté l’emploi. A court terme, le niveau du salaire minimum dans ces pays pourrait donc avoir un effet positif sur l’activité en augmentant les salariés en place. Mais à plus long terme, cette hausse créera une barrière à l’emploi peu qualifié, avec le même effet qu’en France.
L’éventuel malheur de nos voisins ne fera pas pour autant notre bonheur. Au niveau du salaire minimum, on trouve surtout des emplois locaux de service ; leur coût ne se compare pas à celui des pays voisins, mais au revenu des nationaux (qui consomment ou non ces services en fonction de leur coût) et au coût des substituts (il y a plus de caisses automatiques et d’automates en France).
Le salaire minimum n’est enfin pas le meilleur outil de soutien aux revenus modestes. Il réduit le pouvoir d’achat de ceux que son niveau exclut de l’emploi, sans doute plus d’un million en France. Il laisse de côté indépendants et autoentrepreneurs : près de 1,3 millions de non-salariés ne touchent pas l’équivalent du SMIC horaire sans qu’on le sache, sauf quand les intéressés manifestent dans la rue ou dans les urnes.
Parmi les alternatives, la plus débattue est le revenu universel, qui consiste à distribuer une allocation à tous les citoyens en les laissant la compléter à leur guise. Mais sa mise en place déplace des montants si élevés (150 milliards) que la moindre erreur de ciblage coûte des milliards. De plus, sa simplicité (aucun critère d’attribution) a pour contrepartie un « droit à la paresse » : on bénéficie sans travailler d’un revenu payé par ses concitoyens, peu défendable en période de stagnation du pouvoir d’achat.
Plus novateur est le « revenu universel d’activité » étudié par l’Observatoire du Long Terme. Réservé à ceux qui entreprennent une activité salariée ou non, il procure un complément de revenu à ceux dont le revenu est inférieur au SMIC horaire mais inférieur à 1500 euros par mois. Pour développer des activités ayant une valeur ajoutée suffisante, il est ciblé sur les revenus supérieurs à 50% du SMIC horaire. Il serait couplé à un salaire minimum initialement fixé au niveau du SMIC actuel et qui évoluerait par le jeu de l’indexation à un niveau réduisant le chômage peu qualifié. Son coût (limité au support aux non-salariés à court terme et à la mutualisation du SMIC à long terme) serait largement financé par les hausses de revenu induites par la baisse du chômage.
Nous aurions ainsi un système garantissant un niveau équivalent aux salariés au SMIC, un emploi à beaucoup de ceux qui en sont exclus, un dispositif universel n’excluant pas les indépendants mais également de justice : le coût de la solidarité aux bas revenus serait financé par tous, plutôt que par les seules entreprises créant des emplois peu qualifiés ou leurs clients.
A l’heure où la frontière entre salariés, indépendants et « indépendants dépendant » d’une plateforme devient floue, c’est probablement davantage avec ce type d’outil que la France pourrait durablement exporter un modèle social.
Travail réalisé par le pôle « stratégies économiques » de l’Observatoire du Long Terme