jeudi, décembre 26, 2024

Agir contre la pollution de l’air en ville : quelles sont les options ?

Représentation en temps réel des pollutions atmosphériques sur la planète (airvisual.com)
Selon une de l’Organisation
Mondiale de la Santé de septembre 2016, 92% de la population de la planète vit
dans des endroits où la pollution[1]
aux particules fines dépasse 10
mg/m3, niveau limite de l’acceptable pour la santé selon l’OMS. La
pollution atmosphérique, « cancérigène certain » pour le Centre
international de recherche sur le cancer (CIRC), entrainera chaque année 3
millions de décès, dont les deux tiers dans les pays d’Asie du Sud-Est et du
Pacifique occidental.

Certes, Paris se
situe à une concentration de 17
mg/m3, loin de Zabol (Iran) à plus de 217 mg/m3,
Gwalior (Indes) à 176
mg/m3 et Xingtai (Chine) à 128 mg/m3. Néanmoins, selon
l’agence Santé publique France, la pollution provoque chaque année en France le
décès prématuré de 48 000 personnes, soit la troisième cause de mortalité
derrière le tabac (78 000 décès) et l’alcool (49 000 décès).

Les villes prennent désormais la pollution aux particules
fines au sérieux.

Malgré son
importance, ce sujet a longtemps été laissé de côté, ou traité, uniquement en
réaction aux niveaux de pollution excessifs – avec la circulation alternée par
exemple. Un pas en avant a été franchi le 16 janvier, avec l’affichage obligatoire
à Paris des certificats sur qualité de l’air sur tous les véhicules
(particuliers, utilitaires, poids-lourds) et sur tous les deux-roues motorisés.
Chaque véhicule qui pénètre dans la capitale doit porter la désormais célèbre
pastille Crit’Air, donnant des indications sur sa date de mise en circulation,
son niveau de pollution et sa motorisation.

À l’horizon 2020, seuls
les véhicules électriques, hydrogène, gaz, hybrides rechargeables et les
dernières générations de moteurs essence pourraient être autorisés à circuler dans
Paris intramuros. D’autres villes françaises suivent le mouvement, comme
Grenoble, déclaré zone à circulation restreinte depuis le 1er
janvier dernier. Des villes comme Lyon, Strasbourg ou Bordeaux suivront.
Parallèlement, les
constructeurs vont devoir réduire également les gaz à effet de serre,
généralement moins nocifs que les particules fines, en raison de leur
contribution au réchauffement climatique. Malheureusement pour eux, la fin du
diesel ne les aidera pas : bien que le gazole émette plus de particule et
de dioxyde d’azote que l’essence, il émet environ -20% de CO2. Sans
le diesel, les constructeurs automobiles devront changer leur plan.
L’électricité et le gaz, des alternatives au pétrole de
plus en plus abordables dans le transport

Le regain d’intérêt
pour l’essence, accompagné par la décision des pouvoirs publics sur la
fiscalité du diesel, pourrait bien n’être que transitoire. Tout d’abord parce
que le raffinage du pétrole produit de l’essence en proportion limitée, au côté
des autres sous-produits dont le gazole. Si l’extension mondiale de la défiance
du diesel– accélérée par l’affaire Volkswagen – se poursuit, elle entraînera une
baisse mondiale de la demande de gazole qui augmentera le prix de l’essence. Le
coût croissant des normes anti-pollution sur les véhicules essence s’y ajoutera
pour pousser les constructeurs à développer les carburants alternatifs à
l’essence et au diesel.

Côté véhicule
particulier, la mobilité électrique se développe, qu’il s’agisse du 100%
électrique ou de l’hybride. La production d’électricité en France étant l’une
des plus décarbonées du monde, le bilan est incontestable du point de vue de la
pollution atmosphérique. Il reste un coût élevé, autant pour le propriétaire
(même après les aides, le coût total d’utilisation dépasse souvent celui du
pétrole) ou pour le contribuable (les aides sont d’un montant élevé et
représentent parfois un coût par tonne de CO2 évitée plus élevé que d’autre
choix d’allocation des fonds publics). Cette filière doit donc encore augmenter
ses volumes de production pour produire des véhicules à des coûts plus accessibles.
Il existe également des incertitudes sur l’évolution coût des batteries (qui
peuvent représenter 50% du véhicule). En effet elles utilisent des métaux rares
comme le lithium ou le cobalt dont le coût pourrait augmenter fortement dans
les années qui viennent. Le gaz offre quant à lui des solutions adaptées à certains
usages, notamment dans les zones péri-urbaines et rurales où les contraintes
d’autonomie sont plus critiques.

Pour les véhicules
lourds et les gros utilitaires, le gaz représente la principale alternative au
diesel sur ce segment, ce qui explique sa progression. Le gaz émet en
effet très peu de particule et produit jusqu’à -70% de dioxyde d’azote sans
système de filtration. Son coût total d’utilisation est très proche de celle du
diesel. Il existe enfin du « gaz renouvelable » – le biométhane issu de
la fermentation des déchets ou le méthane de synthèse issu de l’hydrogène et du
CO2. Plus marginalement, l’électricité offre une solution pour
certaines usages ciblés, tels que les bus ou les véhicules de livraison légers
circulant en hyper-centre.

Le deux-roues
électrique, enfin, se développer fortement en Asie : il représente
désormais 10% des deux-roues motorisés en Chine. En revanche, il peine à se
développer en Europe, et particulièrement en France. Espérons que l’attribution
d’un bonus de 1000 euros depuis le 1er janvier attirera de nombreux
adeptes parmi les plus de 3 millions d’utilisateurs de deux-roues en France.
Notons également que les échelles de production des deux-roues, bien plus
réduites que celles des voitures, pourraient donner l’occasion de paris
industriels plus vertueux que celui du « tout diesel » – BMW est en
train de réussir un tel pari dans le scooter électrique haut de gamme.

La gestion de la donnée au service du système transport

La réduction des
émissions liées au transport passe également par une optimisation des flux de
circulation. La géolocalisation en temps réel de la quasi-totalité des
véhicules par l’intermédiaire des smartphones permet déjà à des millions
d’automobilistes d’optimiser leurs trajets et de réduire leurs émissions. Pour
les poids-lourds, le platooning (ou « conduite en peloton ») consistant
à gérer une file de véhicules interconnectés qui accélèrent et freinent de
manière totalement synchronisée, ou la gestion des régimes moteurs tenant
compte des dénivelés de la route ou du vent, pourraient être développées
davantage. A trajet constant, elles permettent sans effort de gagner
quelques pourcents d’émission.

Des applications telles
que CityMapper ou Moovit apportent des réponses globales aux citadins qui
cherchent le meilleur itinéraire, tout en leur permettant de combiner plusieurs
modes de transport (marché à pied, vélo, transport en commun, taxi…). Ce
faisant, ces applications permettent aussi de convertir aux transports en commun
ceux qui n’ont jamais réussi à comprendre un plan de bus, ignorent leur
fréquence insuffisante ou prennent leur voiture faute d’être certains de
pouvoir atteindre leur destination autrement. À ce titre, on ne peut que saluer
la récente décision de la RATP de donner accès à ses données temps réels aux
développeurs de services internet.

La révolution du transport par la route est en marche

La technologie
apporte donc de nombreuses solutions aux problèmes de pollution urbaine. Si les
innovations ont jusqu’ici tardé à se développer, c’est d’abord en raison d’une
régulation inadaptée : le véhicule diesel a été soutenu plus que le
véhicule au gaz, la focalisation sur la voiture a fait ignorer ce qui se
passait en Asie sur les deux-roues électriques, et l’intermodalité[2]
a davantage été vu sous sa  forme
centralisée (voter de nouveaux plans de circulation ou projets
d’infrastructure) que sous sa forme décentralisée (libérer l’accès à des
données permettant de réaliser les services rendant l’intermodalité plus simple
que le « mono-modalité »).

Heureusement, la
prise de conscience politique d’une nécessaire amélioration de la qualité de
l’air a fortement progressé ces dernières années. Il reste à faire en sorte
qu’elle s’appuie davantage sur l’innovation : ce sera le cas lorsque,
plutôt que d’annoncer de manière incantatoire la fin du diesel en 2020 voire la
fin des véhicules thermiques à l’échelle d’un pays[3],
on nous listera également les moyens réalistes et abordables dont nous pourront
disposer à cet horizon !

Vincent Rousseau, expert en mobilité verte, pour l’Observatoire du Long Terme


[1] Particules PM2.5
[2] Possibilité de combiner plusieurs modes de transports (train, route,
air,…).
[3] Un projet de loi du parti travailliste hollandais prévoit d’interdire
les moteurs thermiques d’ici à 2025 en vue d’imposer les voitures électriques
aux Pays-Bas.
À propos

Dédié à l'analyse des questions économiques, sociales et environnementales de long terme, L'Observatoire du Long Terme se fixe pour objectif de donner davantage de visibilité à ces enjeux dans le débat public. Dans ce contexte, il donne la parole à des contributeurs variés, avec pour seul critère le caractère étayé des arguments présentés.

L'Observatoire est indépendant, ne reçoit aucune aide financière et repose sur le volontariat de ses contributeurs, de son bureau, présidé par Vincent Champain et Bruno Fuchs.

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