mercredi, décembre 25, 2024

Faut-il vraiment taxer les robots ?

Publié dans Les Echos

A l’issue de la primaire, Benoit
Hamon s’est distingué par un style direct et apparemment sincère, ainsi que par
deux propositions phares : le revenu universel et la taxation des robots.
Elles peuvent sembler séduisantes. Si l’on va vers la fin du travail et plus de
non-salariés précaires augmente, alors il faut détacher la protection sociale
du contrat de travail. Et si ce sont les robots qui créent la valeur ajoutée
qui se partageaient auparavant les salariés, pourquoi pas les premiers plutôt
que les seconds ?
Malheureusement, le diagnostic
sur la fin du salariat ne se retrouve pas dans les statistiques. Sur une
décennie, la part de l’emploi non salarié a diminué de 7,6 à 6,5% aux
Etats-Unis, pourtant plus en avance que nous en matière de plateformes
numériques, et de 17,8% à 15,8% pour les pays de l’OCDE. 
En outre, l’application
du modèle « Uber » à des relations d’emploi plus durables que le taxi,
comme les emplois à domicile, s’est soldée par des échecs. Comme le contrat de
mariage, le contrat de travail traduit ce que les économistes appellent des
coûts de transaction : il est plus rationnel de faire un choix une bonne
fois pour toutes, afin de bénéficier des avantages d’une relation stable et de
confiance, que d’encourir le risque et les efforts de refaire ce choix tous les
jours. Or le numérique ne réduit fortement ces coûts de transaction que dans
certains cas.
Par ailleurs, s’il est utile de
déconnecter notre protection sociale du salariat, c’est possible sans pour
autant créer un « droit à la paresse » moralement et financièrement
insoutenable. Des solutions comme le revenu universel d’activité, étudié par l’Observatoiredu Long Terme, peuvent le permettre. On peut comprendre qu’une motion de
congrès, ou, à la rigueur, qu’une primaire se gagne, à gauche ou à droite, sur
des orientations imprécises mais séduisantes. Mais
sauf à penser que les promesses politiques n’engagent que ceux qui y croient, on
est en droit d’attendre que le candidat, une fois désigné, investisse son
capital de sympathie sur des solutions plus précises, finançables et efficaces.
La taxe sur les robots va un cran
plus loin en matière d’idée séduisante mais contreproductive. L’investissement
en capital permet de rendre les salariés plus productifs : équipé d’un
robot ou d’une machine performante, un ouvrier pourra produire plus et
compenser les écarts de coût du travail. C’est ainsi que l’on développera les fameux emplois qualifiés à valeur ajoutée. Réduire
cet investissement, c’est ne laisser à l’ouvrier que sa productivité manuelle face
à des centaines de millions de personnes dans le monde coûtant dix à cent fois
moins cher. Et taxer l’investissement, c’est en réduire doublement les montants
investis : les entreprises présentes investiront moins, et celles qui envisageaient
de se développer en France choisiront des cieux plus cléments ailleurs en
Europe.
Les faits confirment ces évidences,
et les analyses présentées sur le site de l’Observatoire du Long Terme sont
sans appel. D’abord, la France ne fait pas partie du peloton de tête en matière
de robots industriels. Selon l’International Federation of Robotics, nous
avions en 2015 près de 60% de robots de moins que l’Allemagne par emploi
industriel. 
Ensuite, les pays qui utilisent le plus de robots sont ceux qui ont
la croissance la plus élevée. 
Enfin, cette corrélation s’accélère : elle
est deux fois plus forte de 2005 à 2015 qu’elle ne l’était de 1995 à 2005. 
Taxer les robots accentuerait encore notre écart et réduirait mécaniquement
la richesse par habitant de notre pays. Pour éviter que cela ne réduise
également l’emploi industriel, il faudrait engager une politique fortement
protectionniste, très éloignée de la promesse d’ouverture proposée par le
candidat lors de primaire.
L’Observatoire du Long Terme n’a jamais
eu vocation à prendre parti pour ou contre un candidat. En revanche, il a été créé
pour apporter dans le débat public des éléments factuels visant à éclairer les
enjeux de long terme. Or, en ce qui concerne le lien entre le coût de l’investissement,
son niveau et la valeur ajoutée des emplois induits, les faits parlent d’eux-mêmes.
Souhaitons que le débat permette aux candidats d’en tenir compte pour affiner leurs
propositions.
À propos

Dédié à l'analyse des questions économiques, sociales et environnementales de long terme, L'Observatoire du Long Terme se fixe pour objectif de donner davantage de visibilité à ces enjeux dans le débat public. Dans ce contexte, il donne la parole à des contributeurs variés, avec pour seul critère le caractère étayé des arguments présentés.

L'Observatoire est indépendant, ne reçoit aucune aide financière et repose sur le volontariat de ses contributeurs, de son bureau, présidé par Vincent Champain et Bruno Fuchs.

Sur le même sujet

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Du même auteur

42 lois à utiliser au quotidien

La gestion d’entreprise n’est pas une science exacte, mais on y trouve souvent des principes de bon sens résumés sous forme de lois empiriques....

42 lois pour être plus efficace

La gestion d’entreprise n’est pas une science exacte, mais on trouve parfois des principes de bon sens résumés sous forme de lois empiriques. En...

Toyota : is less digital better ?

Toyota, un modèle de productivité. Toyota a longtemps été considéré comme un modèle en matière de productivité, principalement grâce à son Toyota Production System (TPS),...

Moins de plombiers, plus d’architectes

Publié dans Les Echos. Alexandre Grothendieck, l’un des esprits les plus brillants du 20e siècle, résumait ainsi l’opposition entre l’amélioration à la marge et les...