Nous sommes à un moment où il est d’usage de faire des prévisions sur l’année et la décennie qui viennent et de souhaiter le meilleur. Mais beaucoup de prévisions – qu’elles concernent la technologie, l’énergie ou l’économie – partagent une double faiblesse : d’abord, être construites sur l’hypothèse irréaliste d’une croissance sans fin, et, ensuite, prendre des décisions de long terme basées sur ces hypothèses.
Dans
le domaine du numérique, nombreux sont les prophètes qui extrapolent les
progrès passés pour dresser avec ferveur le portrait d’un monde dominé par
l’intelligence artificielle. Certes, la vitesse des microprocesseurs (le
« cerveau » des ordinateurs) s’est multipliée par un million depuis
40 ans. Mais, malgré les efforts des chercheurs pour la prolonger, cette courbe
connaît depuis quelques années un ralentissement. Les technologies actuelles
s’approchent de plus en plus de limites physiques qui seront difficiles à
dépasser : les transistors qui composent les microprocesseurs ont atteint
une taille de 10 nanomètres, soit la taille d’une cinquantaine d’atomes de
silicium. Quels que soient les efforts déployés, il sera impossible de réduire
cette taille d’un facteur d’un million dans les 40 ans à venir. La consommation
électrique d’internet ne pourra pas non plus augmenter d’un facteur du même
ordre – elle représente déjà 3% de la demande d’électricité. Peut-on espérer
qu’une nouvelle technologie – l’informatique quantique par exemple – supprime
ces limites ? Probablement pas suffisamment pour retrouver la croissance
des décennies passées : si le rythme d’amélioration des capacités des
téléphones mobiles se poursuivait au même rythme que durant la décennie passée,
les téléphones mobiles atteindraient autour de l’an 2275 une capacité
suffisante (10 suivi de 80 zéros octets) pour stocker l’état de chaque atome de
l’univers visible (qui comprend tous les téléphones terrestres ou martiens).
le domaine du numérique, nombreux sont les prophètes qui extrapolent les
progrès passés pour dresser avec ferveur le portrait d’un monde dominé par
l’intelligence artificielle. Certes, la vitesse des microprocesseurs (le
« cerveau » des ordinateurs) s’est multipliée par un million depuis
40 ans. Mais, malgré les efforts des chercheurs pour la prolonger, cette courbe
connaît depuis quelques années un ralentissement. Les technologies actuelles
s’approchent de plus en plus de limites physiques qui seront difficiles à
dépasser : les transistors qui composent les microprocesseurs ont atteint
une taille de 10 nanomètres, soit la taille d’une cinquantaine d’atomes de
silicium. Quels que soient les efforts déployés, il sera impossible de réduire
cette taille d’un facteur d’un million dans les 40 ans à venir. La consommation
électrique d’internet ne pourra pas non plus augmenter d’un facteur du même
ordre – elle représente déjà 3% de la demande d’électricité. Peut-on espérer
qu’une nouvelle technologie – l’informatique quantique par exemple – supprime
ces limites ? Probablement pas suffisamment pour retrouver la croissance
des décennies passées : si le rythme d’amélioration des capacités des
téléphones mobiles se poursuivait au même rythme que durant la décennie passée,
les téléphones mobiles atteindraient autour de l’an 2275 une capacité
suffisante (10 suivi de 80 zéros octets) pour stocker l’état de chaque atome de
l’univers visible (qui comprend tous les téléphones terrestres ou martiens).
Dans
le domaine économique, nous sommes depuis 40 ans confrontés à des niveaux de
croissance et de productivité moyens plus décevants que ne l’attendaient nos
prévisions de moyen terme. Rien n’interdit d’espérer croissance forte :
avec 10 points de la population en âge de travailler employée de moins qu’en
Suède, nous pouvons gagner un point de productivité pendant dix ans en
augmentant l’emploi. Mais si tout faire pour augmenter la croissance est une
chose, dépenser les fruits de cette croissance par anticipation en est une
autre. Le déficit public mesure indirectement l’écart entre croissance attendue
et croissance constatée : aucun budget n’a été voté à l’équilibre depuis
45 ans et notre dette publique vient de dépasser 100% du PIB. Le passage du
régime général de retraite à un système à point allait dans le bon sens en remplaçant
un système actuellement basé sur la distribution immédiate des espoirs de
croissance futurs. Mais il est illisible d’y avoir associé des dispositions réduisant
le champ des régimes à points existants : la baisse du plafond de
cotisations divisera par deux les points de retraites accordés par leur
entreprise à une grande partie des lecteurs de ces lignes – et la retraite qui
va avec.
le domaine économique, nous sommes depuis 40 ans confrontés à des niveaux de
croissance et de productivité moyens plus décevants que ne l’attendaient nos
prévisions de moyen terme. Rien n’interdit d’espérer croissance forte :
avec 10 points de la population en âge de travailler employée de moins qu’en
Suède, nous pouvons gagner un point de productivité pendant dix ans en
augmentant l’emploi. Mais si tout faire pour augmenter la croissance est une
chose, dépenser les fruits de cette croissance par anticipation en est une
autre. Le déficit public mesure indirectement l’écart entre croissance attendue
et croissance constatée : aucun budget n’a été voté à l’équilibre depuis
45 ans et notre dette publique vient de dépasser 100% du PIB. Le passage du
régime général de retraite à un système à point allait dans le bon sens en remplaçant
un système actuellement basé sur la distribution immédiate des espoirs de
croissance futurs. Mais il est illisible d’y avoir associé des dispositions réduisant
le champ des régimes à points existants : la baisse du plafond de
cotisations divisera par deux les points de retraites accordés par leur
entreprise à une grande partie des lecteurs de ces lignes – et la retraite qui
va avec.
Dans
le domaine de l’énergie, le coût de
l’énergie éolienne n’a cessé de baisser, au fur et à mesure que ces dernières
voyaient leurs performances s’améliorer. Il n’en faut pas plus pour que
certains imaginent un monde où l’énergie renouvelable serait gratuite. Mais
c’est, là encore, ignorer les limites de la technologie. Ainsi, le
physicien allemand Albert Betz a démontré qu’une éolienne ne peut pas extraire
plus de 16/27e de l’énergie du vent qui la fait tourner. Or les
meilleures éoliennes produites actuellement atteignent une efficacité qui
atteint de 80 % de cette limite. Ceci qui constitue une performance
significative : malgré des décennies de recherche, les moteurs à essence
ne dépassent pas 70% de l’efficacité maximale. Certes, la puissance unitaire
d’une éolienne peut être augmentée en faisant grandir la taille des pales, mais
l’espace entre deux éoliennes doit alors être augmenté d’autant : au total
la puissance par mètre carré au sol ne change pas. Après avoir longtemps
sous-estimé le potentiel d’amélioration des sources d’énergie renouvelable, nous
risquons désormais d’en surestimer le potentiel. Il reste pertinent d’investir
pour utiliser ces technologies là où elles sont pertinentes ou pour les
améliorer, mais il devient de plus en plus risqué de prendre des décisions de
long terme (politique énergétique, systèmes de transport ou de distribution…)
sur l’hypothèse d’une croissance sans fin, alors que nous avons sous les yeux
des signes du ralentissement de cette croissance.
le domaine de l’énergie, le coût de
l’énergie éolienne n’a cessé de baisser, au fur et à mesure que ces dernières
voyaient leurs performances s’améliorer. Il n’en faut pas plus pour que
certains imaginent un monde où l’énergie renouvelable serait gratuite. Mais
c’est, là encore, ignorer les limites de la technologie. Ainsi, le
physicien allemand Albert Betz a démontré qu’une éolienne ne peut pas extraire
plus de 16/27e de l’énergie du vent qui la fait tourner. Or les
meilleures éoliennes produites actuellement atteignent une efficacité qui
atteint de 80 % de cette limite. Ceci qui constitue une performance
significative : malgré des décennies de recherche, les moteurs à essence
ne dépassent pas 70% de l’efficacité maximale. Certes, la puissance unitaire
d’une éolienne peut être augmentée en faisant grandir la taille des pales, mais
l’espace entre deux éoliennes doit alors être augmenté d’autant : au total
la puissance par mètre carré au sol ne change pas. Après avoir longtemps
sous-estimé le potentiel d’amélioration des sources d’énergie renouvelable, nous
risquons désormais d’en surestimer le potentiel. Il reste pertinent d’investir
pour utiliser ces technologies là où elles sont pertinentes ou pour les
améliorer, mais il devient de plus en plus risqué de prendre des décisions de
long terme (politique énergétique, systèmes de transport ou de distribution…)
sur l’hypothèse d’une croissance sans fin, alors que nous avons sous les yeux
des signes du ralentissement de cette croissance.
Pour
2020, souhaitons nous donc bonheur, santé, harmonie et croissance. Et surtout,
de savoir développer les trois premiers même lorsque la quatrième nous fait
défaut.
2020, souhaitons nous donc bonheur, santé, harmonie et croissance. Et surtout,
de savoir développer les trois premiers même lorsque la quatrième nous fait
défaut.
Vincent
Champain est cadre dirigeant et co-président de l’Observatoire du Long Terme
Champain est cadre dirigeant et co-président de l’Observatoire du Long Terme