Si le déconfinement est déjà engagé pour certains secteurs, d’autres activités déjà largement sinistrées par la crise verront leurs problèmes accentués par un déconfinement plus tardif. On pense ici par exemple aux hôtels, cafés, restaurants, au tourisme, ou encore à la culture. Pour rouvrir rapidement, il leur faudra imaginer de nouvelles façons de s’organiser, et leur faire bénéficier de souplesses temporaires – par exemple sur l’extension des terrasses ou les spectacles en plein air. Avant cela, le temps de confinement doit au maximum être valorisé au service de la formation de leurs salariés, de la modernisation de leurs équipements ou leur mise aux normes.
Ces changements seront impossibles sans laisser plus de liberté aux collectivités, notamment les régions. En Allemagne, elles disposent d’une forte autonomie qu’elles mobilisent en fonction de la diffusion du virus, des capacités du système de santé et des besoins économiques. Compte tenu des écarts entre régions sur ces trois critères sont forts, beaucoup de décisions devront être locales. L’Etat pourrait, de son côté, garantir un filet de sécurité national et fixer une norme sanitaire minimale, tout en laissant les collectivités définir le moyen le plus adapté pour l’atteindre tant qu’elles restent sous ce niveau d’alerte. Cette autonomie pourrait notamment concerner les restrictions à la mobilité, les modalités de reprise des activités privées ou publiques (écoles, …), les conditions d’ouverture des lieux touristiques (une plage bondée et une forêt déserte ne présentent pas le même risque) et l’organisation des transports afin d’étaler des besoins au cours de la journée et limiter les contacts.
Plusieurs conditions doivent être réunies afin que la reprise soit forte, rapide et partagée. Pour tous les secteurs qui le peuvent, les aides publiques doivent être orientées vers le retour à l’activité. Elles doivent aussi éviter qu’une réduction temporaire du cash ne détruise durablement l’outil de production. D’autres changements peuvent être bénéfiques pour la productivité et doivent être accompagnés. Le télétravail est l’un de ces changements majeurs : il réduira le montant de capital et d’émissions de gaz à effet de serre par emploi, tout en favorisant l’autonomie des salariés. Les outils, la formation ou les infrastructures nécessaires au télétravail doivent être développés, par exemple, via des réductions de créances.
A plus long terme, nous devrons plus que jamais viser la croissance la plus soutenable et la plus forte possible. Au niveau actuel des prix de pétrole, le prix du carbone n’est plus suffisant pour atteindre nos objectifs de réduction des émissions et de développement des énergies décarbonées. Il pourrait être complété par un prix plancher, par exemple à 60$, dont l’écart avec le prix de marché pourrait rembourser la dette accumulée lors de cette crise. Avec des prix aussi bas qu’ils le sont actuellement, ce mécanisme se suffisant pour éviter de léguer la dette accumulée lors de la crise à la prochaine génération. Pour rendre la croissance aussi forte que possible, nous devons également continuer à développer notre productivité, par l’investissement (notamment dans la santé – établissements et politiques de prévention) et la qualification. Surtout, nous devrons prendre le temps d’une analyse en profondeur pour concentrer nos efforts d’innovation dans les domaines ou nos disposons de suffisamment d’atout pour nous propulser en tête des pays industrialisés. Certains sont évidents, l’énergie par exemple. D’autres ne pourront émerger que dans un cadre dans lequel l’Etat apporte un contexte fertile au développement et à la croissance à grande échelle d’activités innovantes, mais se garde bien de choisir lui-même les vainqueurs.
Or si l’enjeu des prochaines années sera de rattraper la croissance perdue, celui des prochaines décennies sera de dépasser le niveau décevant de celles qui viennent de s’écouler.