Voter l’impôt est la première prérogative des Parlements.
La révolte des barons anglais contre Jean sans Terre conduisit à la proclamation de la Grande Charte (Magna Carta) en 1215 et à la création d’un Grand Conseil qui réunissait les principaux barons et les représentants des marchands de Londres. Si cette « charte des libertés individuelles » établit l’habeas corpus, elle institua également le consentement à l’impôt par le Parlement.
En France, ce sont les Etats généraux, institution créée par Philippe le Bel en 1302, qui ont eu la responsabilité de consentir à l’impôt. Ils se réunirent, selon les besoins du roi, pendant 487 ans. Les derniers Etats généraux, convoqués en mai 1789 pour traiter la grave crise des finances publiques du royaume, se transformèrent le 27 juin 1789 en Assemblée nationale constituante pour rédiger une constitution écrite. Ce fut le début de la Révolution française.
L’impôt et la liberté sont intimement liés dans l’émergence de la démocratie parlementaire. Les Parlements protègent les droits individuels, consentent à l’impôt et doivent contrôler l’usage des fonds publics ainsi prélevés.
Voter l’impôt et protéger les droits des citoyens sont les fondements les plus absolument politiques de la vie démocratique. Car il faut des ressources pour financer l’Etat de droit et l’Etat régalien qui le maintient, l’éducation et la santé publique qui donnent aux citoyens la capacité de raisonner, et les infrastructures publiques qui rendent possibles la vie économique et sociale.
Les trois principes généraux d’une fiscalité performante sont immédiats :
- la fiscalité sert à financer les dépenses publiques, sous réserve que ces dernières soient utiles et justes,
- la fiscalité doit encourager l’activité économique, l’innovation et la prise de risque entrepreneurial qui sont le fondement du progrès social,
- la fiscalité doit prendre en compte les capacités contributives des citoyens et la nature des bénéficiaires des dépenses publiques afin d’être équitable.
Ces trois principes ne forment pas seulement une « Table de la loi » d’une fiscalité utile et cohérente. Ils sont un des fondements essentiels d’une République juste et forte.
Il y a souvent une confusion qui vicie le débat fiscal : pour beaucoup, et notamment en France, la fiscalité doit d’abord servir à punir tel ou tel groupe social, en fonction de ce qu’il est ou de ce qu’il représente – et particulièrement les « riches ». Aucun système économique et social ne peut fonctionner sur ce fondement d’envie, de haine et de revanche. La fiscalité n’est pas l’instrument d’une catharsis sociopolitique. Elle ne peut servir qu’à financer des dépenses publiques nécessaires à l’accomplissement individuel des citoyens et à l’accomplissement collectif de la nation, en liant efficacité et équité de façon à favoriser le développement de l’activité économique génératrice d’emploi.
Dans les économies modernes, l’activité économique durable doit fournir les emplois qui permettent aux individus de trouver leur place dans la société. Dans l’économie globale qui se développe depuis les années 1980, c’est l’économie entrepreneuriale régulée qui donne les emplois permettant aux individus d’atteindre un degré suffisant d’autonomie pour s’affirmer comme des citoyens responsables. Et ce sont notamment les entreprises à taille humaine, disons de 10 à 1000 employés, qui peuvent créer les emplois nouveaux nécessaires pour employer toutes les catégories sociales. La fiscalité doit impérativement encourager l’innovation et la prise de risque entrepreneuriale dans un cadre durable et régulé.
Enfin, pour apprécier l’équité d’un système fiscal, il faut également prendre en compte l’utilisation des fonds publics. C’est ainsi qu’un impôt proportionnel sur tous les revenus, qui financerait notamment les besoins des plus démunis, serait, de par l’usage de la ressource fiscale, très progressif.
Ces trois principes doivent donc guider l’élaboration d’un système fiscal qui soit à la fois équitable et conçu pour favoriser la croissance économique durable et la création d’emplois. Mais il faut également tenir compte du contexte. On ne peut, par exemple, moderniser le système fiscal français en ignorant que l’Union européenne favorise la compétition fiscale entre les Etats membres. De même, la nécessité de préserver l’environnement conduit à une taxation qui réduit, d’une part, la consommation de ressources non renouvelables et nécessaires aux générations futures et, d’autre part, la pollution associée à l’activité humaine.
La fiscalité doit être conçue pour favoriser la croissance durable, encourager l’émulation et récompenser l’effort. Une fiscalité qui veut punir certaines catégories sociales ne punit que le peuple. Seule une fiscalité intelligente et généreuse l’enrichit.
Christian Saint-Etienne