Une polémique a été soulevée récemment par le Canard Enchaîné sur les chiffres du chômage. Cet sujet complexe mérite une petite explication.
D’abord, comment mesurer le chomage ? Comme le rappelle l’INSEE, il existe en France deux mesures. Le première consiste à comptabiliser les personnes inscrites à l’ANPE. En fonction du type d’emploi recherché par ces demandeurs (à temps plein, à temps partiel, en CDD ou en CDI), ils sont comptabilisés dans différentes catégories. L’indicateur le plus courant est le chômage de catégorie 1 (chômeurs cherchant un emploi en CDI à temps plein).
Cette mesure est relativement restrictive, puisqu’elle ne comptabilise que ceux qui ont fait la démarche pour s’inscrire (notamment pour bénéficier des allocations chômage, mais ces dernières ne concernant que moins d’un chomeur sur deux, les autres ayant des allocations telles que le RMI, ou rien du tout) et qui ont été acceptés. Cet indicateur mesure donc moins le nombre de personnes qui recherchent un emploi, que le nombre de celles qui en recherchent un grâce au service public de l’emploi, soit qu’ils y soient fortement incités, soit qu’ils y trouvent un intérêt.
L’autre mesure est le chômage au sens du Bureau International du Travail, ou BIT. Selon l’INSEE, c’est une personne en âge de travailler (15 ans ou plus) qui répond simultanément à trois conditions : ne pas avoir travaillé durant une semaine, être disponible pour prendre un emploi dans les 15 jours et chercher activement un emploi. Ce chômage est mesuré par sondage, ce qui permet de toucher des personnes qui cherchent activement un emploi sans pour autant s’inscrire à l’ANPE. Entre deux sondages, il est estimé, notamment à partir du chômage ANPE – ce qui ne pose pas de problème si les deux définitions du chômage évoluent dans le même sens.
Pour résumer, le premier indicateur mesure le nombre de personnes aidées dans leur recherche par l’ANPE, et le second mesure le nombre de chomeur existant réellement : quand les deux baissent en même temps, c’est bon signe et c’est logique (s’il y a moins de chomeurs, il y a moins de personnes à aider). En revanche quand le premier baisse, mais pas le second c’est mauvais signe et inquiétant : celà signifie qu’on aide moins des chômeurs toujours aussi nombreux (ca peut être le cas s’ils sont radiés abusivement des liste de l’ANPE).
Si l’en croit le Canard Enchaîné, c’est ce qui se serait produit récemment, la publication l’actualisation du chômage BIT ayant été repoussée à après les élections . Si celà était vrai, ce serait extrêmement grave, et placerait la France à un niveau proche de celui de ces républiques bananières, où les statistiques publiques, les médias et la monnaie sont les jouets du pouvoir politique. Qui voudrait investir dans un pays qui manipule les informations sur sa santé (et donc indirectement le cours de ses actions), à la manière d’un Enron manipulant ses comptes ?
On pourrait penser qu’il ne s’agit que d’une vague querelle d’experts. C’est au contraire une question fondamentale, qui met en question la confiance que le monde, français y compris, peut placer dans la France. Face à une telle accusation, qu’il faut espèrer infondée, la meilleure solution pour le gouvernement serait dépêcher immédiatement une enquête sur la réalité de la situation et pour le parlement de lancer une commission d’enquête. Non pas en raison d’un soupcon sur l’institution ou sur son personnel, mais, au contraire parce qu’il s’agirait de la seule facon de lever tout doute sur la statistique publique…