mercredi, avril 16, 2025

Compétitivité et performance : relire Jim Collins.

Publié dans les Echos le 9 avril 2025.

Vendu à des millions d’exemplaires, « Good to Great » a été publié il y a 24 ans. Ce livre s’est penché sur un sujet qui taraude tout dirigeant : pourquoi certaines entreprises peuvent dégager une performance durablement supérieure à la moyenne et qu’est-ce qui fait que ces entreprises arrivent à se distinguer de la moyenne ? Son auteur, Jim Collins, a passé des années à étudier des milliers d’entreprises et à parler avec leurs dirigeants, pour identifier les champions de la performance durable et les causes de leur succès.

Son premier constat est que le dirigeant de ces entreprises hors du commun à un profil inverse du PDG charismatique qui se distingue par sa vision et sa maitrise de la communication. Au contraire, il se caractérise par son écoute et sa capacité à poser les bonnes questions. Il entre dans les détails de son activité – pas pour les micro-manager, mais pour avoir une connaissance suffisamment précise de son activité, pour fixer les objectifs et définir les orientations. Loin d’être un tribun, le dirigeant de « Good to Great » fait preuve d’une humilité, qui s’approche même de la timidité voire de la maladresse. A l’inverse, il fait preuve d’une détermination sans failles : une fois donnée la direction et les objectifs décidés, sa volonté et sa ténacité pour les atteindre sont inébranlables.

La performance exceptionnelle tient plus du marathon que du sprint : elle n’est pas faite de revues ou de remarques à l’emporte-pièce en séance, ou de changements spectaculaires. Elle se construit au contraire de façon progressive mais avec détermination, en mettant en place des équipes efficaces et en leur donnant tous les moyens de réussir. Un plan d’économie ou un effort exceptionnel demandé à l’ensemble de l’entreprise peut avoir sa place à un moment précis, mais ce n’est pas ce qui fait la performance de l’entreprise. Ce qui fait la performance, c’est de se concentrer sur l’intersection de trois domaines : ce en quoi l’entreprise peut être la meilleure du monde (le reste peut être externalisé), ce qui passionne ses collaborateurs, et ce qui est profitable. L’autre caractéristique des entreprises hors du commun est leur capacité à affronter les problèmes et à se confronter aux faits quand ils imposent des décisions radicales – qu’il s’agisse d’abandonner une activité ou d’engager une restructuration importante.

S’agissant de la technologie, les entreprises qui réussissent ne tombent pas dans le piège de la technologie miracle et ne perdent pas leur temps à chasser les modes. Elles investissent au contraire dans les technologies que leurs équipes maitrisent (quitte à renforcer ces équipes au besoin) et qui peuvent avoir une contribution utile à leur projet. Elles prêtent également une attention particulière à la discipline dans la mise en place de ces investissements.

Jim Collins insiste enfin sur la gestion des talents résumée par « qui avant quoi » – autrement dit savoir recruter et fidéliser les bonnes personnes, et les associer à la définition des objectifs. Steve Jobs résumait cette idée en disant « il est stupide de recruter des gens intelligents pour leur dire quoi faire. Nous recrutons des gens intelligents pour que ce soit eux qui nous disent quoi faire ! ». Les dirigeants des entreprises qui réussissent dans la durée ne perdent pas de temps à essayer de motiver leurs salariés par des discours : ils recrutent des personnes passionnées et attentives à l’exécution de leurs missions – de sorte qu’il est inutile de multiplier les contrôles et les procédures de revues complexes. Plutôt que de motiver, la mission des dirigeants est d’éviter tout ce que peut démotiver – obstacles inutiles, injonctions contradictoires, déresponsabilisation ou comportements toxiques.

A l’heure où la croissance faiblit, et où beaucoup se questionnent sur la méthode à employer pour renforcer la compétitivité française – dans le secteur privé comme dans le secteur public – il est temps de relire Jim Colllins dont les leçons n’ont pas pris une ride vingt-²quatre ans après la publication de « Good to Great ».

À propos

Dédié à l'analyse des questions économiques, sociales et environnementales de long terme, L'Observatoire du Long Terme se fixe pour objectif de donner davantage de visibilité à ces enjeux dans le débat public. Dans ce contexte, il donne la parole à des contributeurs variés, avec pour seul critère le caractère étayé des arguments présentés.

L'Observatoire est indépendant, ne reçoit aucune aide financière et repose sur le volontariat de ses contributeurs, de son bureau, présidé par Vincent Champain et Bruno Fuchs.

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