Climat : le réchauffement climatique, une vue de l’esprit ?

Les risques liés au réchauffement climatiques sont présentés comme étant à la fois importants, et
très probablement liés à l’activité humaine. La majorité des experts s’accorde
ainsi sur une hausse des températures de deux à six degrés de plus d’ici 2100
avec des conséquences environnementales graves et irréversibles. D’ores et
déjà, la température moyenne de la terre a augmenté de 0,67 °C entre 1920 et
2010 – elle est actuellement plus chaude qu’elle ne l’a jamais été depuis 500
ans. Le niveau des mers a augmenté de plus de 10 cm depuis 60 ans, dont plus
d’un quart depuis le début de ce siècle. Pour la majorité des scientifiques du
GIEC
[1], la fonte des calottes glaciaires polaires entrainerait
une élévation de 18 à 58 centimètres du niveau des mers durant ce siècle. Et si
l’on n’a pas constaté de hausse de température supplémentaire depuis 2000, la
majorité des scientifiques l’attribuent au « bruit » inhérent à la
climatologie, c’est-à-dire le fait que des tendances de fond (comme le
réchauffement), puissent être momentanément masquées
[2]
par des évolutions de court terme.
Température moyenne de 1850 à 2011
(Source: Met Office)
Le statu quo n’étant pas soutenable, il y a un impératif moral à agir de
façon rapide et significative. Or les efforts peuvent sembler un défi
impossible à relever – comment en effet imaginer réduire sa consommation
d’énergie ou son impact sur le climat sans une perte de confort massive. Et si
l’ensemble des émissions de CO2 mondiales cessaient aujourd’hui, il faudrait,
selon les modèles, des centaines d’années pour inverser le réchauffement.

Mais cette difficulté à imaginer le « monde d’après la
transition » tient aussi à la difficulté qu’il y a à imaginer comment l’innovation technologique peut nous permettre d’avoir autant de
confort, avec moins d’impact sur le climat.

Et pourtant, c’est possible, comme le montrent trois exemples. Le
premier tiré de la vie de tous les jours, celui des réfrigérateurs et
climatiseurs. Depuis des décennies, la réfrigération et la climatisation reposent
sur un principe thermodynamique simple : la compression d’un fluide dégage de
la chaleur et sa détente en absorbe. On fait donc cheminer un fluide à
l’extérieur de l’endroit à refroidir, où il est compressé, puis l’intérieur, où
il est détendu. Autrefois, on utilisait des fluides réfrigérants qui ont
un impact massif sur le climat : un kg de CFC R-12 a le même impact que près de
11 tonnes de co2, soit presque autant que ce qu’émettra une petite voiture sur
toute sa vie. Les produits qui l’ont remplacé ont un impact dix fois plus
faible, mais qui reste non négligeable. Or on estime que jusqu’à 10 % du
réchauffement climatique dû à l’homme et 5 % de la consommation d’énergie sont
liés à la réfrigération. Pour beaucoup, il est difficile d’imaginer faire du froid autrement – en effet ce
processus est ancien et n’a pas connu d’amélioration substantielle depuis. Et
pourtant, des chercheurs viennent de mettre au point une technique basée sur l’effet magnétocalorique qui ne
nécessite qu’un fluide à base d’eau, et consomme jusqu’à 30% d’énergie en moins
(voir ici).
Système de
réfrigération basé sur l’effet magnétocalorique
(Source : GE2LAB)

Le second exemple concerne la
mobilité. Un scooter à essence de milieu de gamme neuf coûte 5800 euros[3], et sur la base de
5000 kilomètre annuels (100 jours à 50 km), il émettra 5 tonnes de CO2 et coûtera 3750 euros
d’essence sur une vie de dix ans. Une moto électrique coûte aujourd’hui 8000
euros[4], et peut faire 50
km sur un « plein » de 2,8 kWh qui coûtera 29 centimes d’euros au
tarif « heures creuse ». Sur sa vie, elle coûtera moins de 300 euros
d’électricité et émettra entre 14 et 200 kg de CO2 sur l’ensemble de sa vie si
l’électricité est nucléaire, et 400 kg sur le base du « mix
électrique » moyen[5]
français. Bref, au total, le scooter à essence coûtera
plus de 9500 euros et émettra 5 tonnes de CO2, alors que l’équivalent
électrique coûtera moins de 8300 euros et émettra entre 10 et 300 fois moins.
Cerise sur le gâteau, l’électrique n’a rien à envier en termes de
performance : les derniers modèles de moto électriques sur le marché[6] vont de 0 à 100
km/h en 3,3 secondes, soit autant qu’une moto sportive haut de gamme et une
seconde de moins qu’une Porsche 911.
Le deux-roues
électrique, plus compétitif que le thermique
(Photo : Zero
Motorcycle)

Le troisième exemple est celui de
la capture de CO2 : après tout si l’utilisation d’énergies fossiles tirées
du sous-sol génère du CO2, pourquoi ne pas remettre ce CO2 d’où il vient – sous
terre ? Dans l’état actuel des technologies, la capture de CO2 augmente encore le coût
de l’énergie jusqu’à 90 %. Mais il existe deux raisons d’être optimiste :
d’abord, nous n’en sommes qu’au début des recherches. Il est donc probable que
l’on arrive à des surcoûts plus raisonnables avec le temps. Ensuite, les
industriels sont encore très peu incités à chercher des solutions. En effet, en Europe,
seule région où existe un « prix du CO2 », ce prix est à 4 euros la
tonne, alors qu’il devrait être un peu moins de dix fois plus élevé. Si ce prix
était au prix « juste[7] »
de 30 euros la tonne – qui devrait s’imposer le jour où les gouvernements
prendront la mesure d’une situation que la majorité des scientifiques ont
établi – les investissement seraient beaucoup plus forts, et aboutiraient encore plus rapidement.
La capture de carbone
(Source : co2solutions)

Au total, la réalité du réchauffement,
et la nature humaine de sa cause sont avérés pour l’écrasante majorité des
scientifiques. Dès lors, il est impératif que les gouvernements, à commencer
par les grands émetteurs mondiaux que sont la Chine (29 % des émissions
mondiales), les Etats-Unis (16 %) et l’Europe (11 %) s’accordent rapidement
pour engager des efforts communs afin de « décarboner » l’économie
mondiale. La bonne nouvelle, c’est que si les efforts de recherche sont suffisants, il n’est pas certain que la « transition
climatique » se fasse dans la douleur.

Bref, le réchauffement est loin
d’être une vue de l’esprit, mais c’est probablement en grande partie dans notre
imagination que nous devrons chercher les solutions à ce défi.

Vincent Champain et le pôle « climat » de l’Observatoire du Long
Terme.



[1]
http://www.ipcc.ch/home_languages_main_french.shtml
[2] « What we know about climate
change », E Kerry, MIT Press, 2012.
[3] Modèle
retenu : Suzuki Burgman 400 cm3
[4] Modèle
retenu : Zero Motocycles Zero XU modèle 2013. Données constructeur.
[5] Source :
PriceWaterHouseCoopers, 2008.
[6] Source : http://www.zeromotorcycles.com/zero-s/specs.php
[7]
Plusieurs rapports, dont en France le rapport Quinet, ont montré que ce prix de
30 euros était celui auquel les émetteurs de co2 payaient un coût proportionnel
aux dommages qu’ils causent.
À propos

Dédié à l'analyse des questions économiques, sociales et environnementales de long terme, L'Observatoire du Long Terme se fixe pour objectif de donner davantage de visibilité à ces enjeux dans le débat public. Dans ce contexte, il donne la parole à des contributeurs variés, avec pour seul critère le caractère étayé des arguments présentés.

L'Observatoire est indépendant, ne reçoit aucune aide financière et repose sur le volontariat de ses contributeurs, de son bureau, présidé par Vincent Champain et Bruno Fuchs.

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