Publié dans les Echos le 14 décembre 2015.

Adopté par 195 délégués présents au Bourget, l’accord de Paris sur le climat est le premier accord global jamais adopté sur le sujet. Cet accord était nécessaire : les émissions de CO2 ayant un effet global, aucune solution au changement climatique ne peut en effet être purement nationale ou régionale.

Mais est-il suffisant ? Déjà, il pose deux questions : la première sur le niveau des engagements nationaux et la seconde sur le coût du respect de ces engagements.

Certains critiqueront les engagements associés à cet accord, jugés insuffisants pour maintenir les températures en-dessous des 2° et même 1,5° mentionnés comme objectifs. Il est vrai que même si ces engagements sont tenus, le réchauffement sera plus proche de 3 degrés[1]. L’accord fait environ la moitié du chemin, des efforts resteront nécessaires lors des futures COPs. Mais la vraie question, c’est de savoir si on pouvait faire mieux en une seule fois. Quand on connaît la difficulté pour obtenir un vote entre 5 copropriétaires pour ravaler l’immeuble qu’ils partagent, on comprend le défi à faire adopter un accord par 195 délégués représentant des pays aussi différents que le Mali, la Suède, le Qatar ou Vanuatu sur un sujet aussi complexe que le climat. Depuis Rio en 1992, il y a eu 21 conférences mais aucun accord : il était impératif d’obtenir un accord pour engager une dynamique. Le principe d’une amélioration progressive de ces engagements, et de la transparence sur leurs effets figure d’ailleurs dans le texte adopté.

D’autres reprocheront au texte un manque de détails sur les actions ou le chiffrage de leur coût – à part les 100 milliards annuels destinés au fond d’accompagnement de la transition climatique des pays en voie de développement. Cette critique relève en partie d’un mécompréhension de la « hiérarchie des normes » en la matière. Elle revient à reprocher à la déclaration des Droits de l’Homme d’affirmer les français libres et égaux sans définir les détails qui le permettent alors que c’est les lois et décrets qui le feront. De la même façon, les engagements de chaque pays devront, dans ce pays, faire l’objet de précisions sur les actions et le coût associé.

De plus, rien n’est écrit s’agissant des coûts. Si l’on avait demandé à un économiste au temps de Zola le coût d’une réduction des accidents au travail, du passage à 39 heures ou de la fin du travail des enfants, il aurait répondu par un chiffre astronomique basé sur les technologies connues à ce moment. Un siècle plus tard, chacun dispose de plus de pouvoir d’achat, de plus de choix et de produits de meilleure qualité. Nous le devons à des innovations dont les prémisses scientifiques étaient impossibles à identifier à l’époque. A cet égard, il reste beaucoup à faire : il y a actuellement des signes inquiétants de ralentissement de l’innovation en matière de climat[2], liés à l’affaiblissement des financements depuis la crise et à la déception des investisseurs face à des réglementations peu visibles, instables et variant selon le pays.

On peut donc se féliciter de cet accord, mais il représente le début d’un chemin plus qu’un aboutissement. Les prochaines COPs (et les ONG qui en commentent les résultats) permettront d’amplifier l’ambition des engagements nationaux, d’assurer leur équité et de donner toutes la transparence sur leurs effets. Les Etats devront quant à eux s’attacher à ce que leurs engagements en termes d’émissions se fassent au meilleur coût possible. L’innovation y jouera un rôle crucial, y compris les technologies qui restent à inventer. Or celles-ci  ne seront découvertes qu’avec des signaux économiques clairs et stable, tels que la publication d’une valeur de référence carbone mondiale, premier pas vers un prix du carbone.

William Nkontchou (Directeur, Emerging Capital Partners), Vincent Champain (cadre dirigeant), Thanh-Tâm Lê (Directeur, Climate-KIC), David Dornbush (Président, Cleantuesday) et Frédéric Benqué (Associé, Nextworld Group) pour l’Observatoire du Long terme (https://longterme.org)
À propos

Dédié à l'analyse des questions économiques, sociales et environnementales de long terme, L'Observatoire du Long Terme se fixe pour objectif de donner davantage de visibilité à ces enjeux dans le débat public. Dans ce contexte, il donne la parole à des contributeurs variés, avec pour seul critère le caractère étayé des arguments présentés.

L'Observatoire est indépendant, ne reçoit aucune aide financière et repose sur le volontariat de ses contributeurs, de son bureau, présidé par Vincent Champain et Bruno Fuchs.

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