Pourquoi il faut réinventer l’assurance chômage.

 Publié dans l’Opinion.                               

Les négociations engagées par Edouard Philippe et Muriel Pénicaud sur l’assurance chômage abordent des questions importantes, mais elles ne permettront pas de dégager une réelle vision d’avenir sur l’assurance contre la perte de revenu.

Premièrement, l’assurance chômage ne
couvre que les ayant droits du privé. Sur environ 4 millions de demandeurs
d’emploi, la moitié de ces demandeurs n’est pas couverte par l’assurance
chômage. Environ 1,7 millions d’artisans ou chefs d’entreprise doivent
souscrire une assurance privée s’ils veulent être couverts. Certes les
indépendants ont des spécificités qui nécessitent un type d’assurance
différent, mais ils ne sont pas moins soumis à des risques importants :
les 10% d’indépendants aux revenus les plus bas gagnent moins de 280 euros par
mois dans le commerce (440 euros dans l’agriculture et 600 dans la
construction).

S’agissant de la structure de cette
assurance, les « tuyaux » pourraient être simplifiés (les
départements gèrent le RSA, Pôle Emploi et l’Unedic pour l’assurance chômage ou
le public pour ses ex-agents). Au lieu d’une segmentation historique, il faudrait
plutôt distinguer trois niveaux qui relèvent de logiques différentes : le
niveau de solidarité, le niveau d’assurance universelle des salariés et le
niveau d’assurance facultative.

Le niveau de solidarité concerne
ceux qui n’ont rien d’autre pour vivre. D’un montant forfaitaire, il devrait
être financé par le budget général : les prélèvements pesant sur le
travail pénalisent l’emploi et doivent être évités, sauf si les indemnités sont
proportionnelles aux anciens salaires. Dans une perspective d’accès à l’emploi,
ce revenu peut prendre la forme d’un revenu universel d’activité, c’est-à-dire
être conditionné à une recherche active d’emploi. Après quelques trimestres, il
pourrait également être conditionné à un emploi à temps partiel qui maintienne
le lien à l’emploi tout en laissant du temps pour trouver l’emploi désiré. Ceci
suppose de préciser le contour de « l’employeur en dernier ressort » qui
devra proposer un tel emploi à ceux qui n’ont pas d’autre choix (ce que font
déjà les centres d’aide par le travail pour handicapés).

L’assurance universelle doit être
financée par une cotisation salariale pour la part qui dépasse le revenu de
solidarité, car les versements sont proportionnels aux salaires. Ce niveau
pourrait être unifié entre privé et public afin de simplifier l’accès aux
droits. Cette unification poserait au passage la question de l’extension
du principe de « bonus-malus » qui s’applique au secteur public (il
paye d’autant plus qu’il génère de chômeurs). Il serait possible de créer un bonus
/ malus conservant une part d’assurance important, décliné par secteur et basé
à la fois sur l’historique de dépenses d’assurance (comme c’est déjà le cas
pour les accidents du travail) et les efforts engagés pour normaliser les
pratiques et lutter contre les abus. Un tel système permettrait
aussi d’aborder, même si ce n’était que de façon partielle, la question du
coût du régime des intermittents.

L’assurance perte de revenu
facultative, enfin, s’adresse aux personnes situées hors champ de l’assurance
chômage. Vu la diversité des risques, il relève davantage d’assurances privées.
Mais l’Etat pourrait contribuer à l’amélioration de cette couverture en
définissant une assurance de base, donnant accès à une couverture simple et aux
coûts tirés du fait d’une plus grande concurrence. Cette initiative apporterait
un début de réponse à la question de la couverture des indépendants de
l’économie numérique, permettrait aussi de donner plus de transparence sur le
coût de la précarité que leur imposent parfois les plateformes. Enfin, l’Etat
pourrait stimuler le développement d’assurances paramétriques privées, qui
couvrent par exemple les indépendant contre le risque
météorologique.  

Il est évidemment plus facile de
décrire ce que serait une cible idéale que de faire évoluer un existant chargé
d’histoire et géré par des partenaires multiples. Mais, à l’inverse,
décrire cette cible permettrait de donner plus de perspective et de la clarté
aux réformes multiples qui touchent ces questions.

Vincent Champain, cadre dirigeant et président de l’Observatoire
du Long Terme, think tank dédié aux enjeux de long terme (https://longterme.org)

À propos

Dédié à l'analyse des questions économiques, sociales et environnementales de long terme, L'Observatoire du Long Terme se fixe pour objectif de donner davantage de visibilité à ces enjeux dans le débat public. Dans ce contexte, il donne la parole à des contributeurs variés, avec pour seul critère le caractère étayé des arguments présentés.

L'Observatoire est indépendant, ne reçoit aucune aide financière et repose sur le volontariat de ses contributeurs, de son bureau, présidé par Vincent Champain et Bruno Fuchs.

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