Quelle est la recette des pays qui gagnent à l’export ?

L’excédent commercial record de l’Allemagne fait bien des envieux. Est-il si important d’améliorer la balance commerciale ? Et si oui, comment faire ?

1 – Oui c’est important, car à court terme c’est le levier de croissance qui offre le plus de potentiel : avec des consommateurs inquiets pour leur avenir, des entreprises prudentes sur leurs investissements et un gouvernement forcé de réduire ses dépenses, la demande viendra surtout de l’étranger. Par chance, les perspectives des pays émergents dans les années qui viennent sont fortes (cf graphique ci-après) – si nous savons être assez compétitifs à l’export pour les saisir.

2 – Faut-il pour celà arrêter les importations (« consommer français ») ? Probablement pas, pour trois raisons
    a) Le « consommer français » n’a pas de sens car il conduirait les français à devoir consommer des mauvais substituts (comme le montre cet exemple) aux importations, ce qui revient à les appauvrir – pour le même prix (ou plus cher), ils auront moins bien.

    b) Bloquer les importations étrangères, soit par des réglementations, soit par des déclarations hostiles, entraînera tôt ou tard des rétorsions d’autres pays. Le risque est réel (et déjà signalé par l’OMC), surtout en période de faible croissance, où chacun est tenté de réduire le chômage en « exportant virtuellement ses chômeurs » – c’est à dire en réduisant ses importations tout en accélérant ses exportations. En effet, même si c’est globalement défavorable du point de vue du pouvoir d’achat (cf point ci-après), une telle mesure permet de réduire le chômage tout en ponctionnant de façon invisible l’ensemble de la population (qui paye plus cher ou obtient des produits de plus faible qualité que l’équivalent importé). Mais si un pays commence à le faire, chacun le fera. In fine, il ne restera que la « ponction », mais l’effet bénéfique sur l’emploi sera neutralisé : tout le monde en sortira perdant.

    c) Les pays qui ont réussi à être compétitifs à l’export l’ont au contraire fait en développant leurs importations, comme le montre le schéma suivant : on y distingue clairement que ceux qui ont réussi à améliorer leur performance à l’export sont également ceux chez lesquels la part des importations à le plus augmenté.

A l’heure ou les entreprises organisent leur « supply chain » mondialement en allant chercher dans différents pays des composantes qui permettent de faire le meilleur produit, ceux qui réussissent à développer le plus leurs exportations sont ceux qui importent le plus. Autrement dit, pour bien exporter, il faut savoir importer judicieusement. C’est exactement l’inverse de la philosophie du « consommer français ». Il n’est pas étonnant que son équivalent, le « buy european », soit fermement combattu par les allemands…

Celà veut-il dire qu’il faut s’engager dans une ouverture débridée et négliger l’impact social des délocalisations ? Evidemment non. De la même façon qu’on ne peut pas négliger l’impact de l’innovation ou du développement des technologies sur l’emploi peu qualifié – sans pour autant plaider pour le refus du progrès technologique.

Mais tout comme la solution façon à l’automatisation n’est pas de casser les machines pour protéger l’emploi (au détriment du pouvoir d’achat, et de l’enrichissement du contenu des emplois), la solution face à la compétition mondiale n’est pas de fermer les frontières. Comme l’expliquait brillamment John Sutton, la vraie solution est à chercher du coté de l’évolution de l’accompagnement et du modèle social français et européen.
    

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