Il faut
en 2012 autant de temps qu’au XVII1 e siècle pour exécuter un quatuor à cordes
de Mozart. Et c’est pourquoi le prix des spectacles vivants ne baisse pas par
rapport à celui de la plupart des produits qui connaissent des gains de
productivité – ce que l’économiste William Baumol appelle la « malédiction des
coûts ». Cette malédiction concerne les services qui reposent surtout sur le
temps et le talent de professionnels – dans le cas de la santé, médecins,
soignants et l’ensemble des personnels.
des avancées significatives ont été réalisées dans le traitement du cancer. Le
développement des techniques chirurgicales permet des opérations moins
invasives et avec moins de complications. L’imagerie numérique, combinée à des
marqueurs spécifiques, permet de rendre les diagnostics plus sûrs et de mieux
cibler les interventions. La révolution numérique médicale améliore autant la
qualité que la productivité des soins. Elle bouleverse les techniques médicales
(imagerie numérique ou robotique), le suivi des patients (l’analyse des données
permettant de mieux cibler le suivi et d’en réduire les coûts) ou l’accès aux
soins (le partage d’images médicales en réseau réduisant les doubles examens
tout en offrant des solutions aux problèmes de désertification médicale).
progrès sont malheureusement peu visibles : quand un ouvrier produit deux fois
plus pour un salaire en hausse de 20 %, les statistiques enregistrent une
hausse de la productivité. Si le système de santé réduit de 50 % la mortalité
d’un cancer pour 5 % de coûts en plus, les statistiques n’enregistrent que la
hausse des coûts. Plutôt que d’une malédiction des coûts, c’est de
l’insuffisance de l’évaluation qu’est victime le système de santé ! Pour y
remédier, il est nécessaire d’améliorer la mesure de la valeur apportée par les
soins et la qualité ou la rapidité de prise en charge au niveau national, voire
au niveau européen. Non que la santé puisse se réduire à des statistiques, mais
parce qu’elle mérite mieux que le seul pilotage par les coûts.
ailleurs, notre pays dispose d’atouts industriels certains : des praticiens
renommés mondialement, des établissements de recherche de pointe comme
l’Institut Gustave Roussy, l’Inria ou le CEA, des start-up innovantes comme
Medtech (spécialiste du robot chirurgical) ou des centres d’expertise et de
production de classe mondiale, tels que ceux de General Electric à Buc pour la
mammographie. Cependant, nous ne sommes pas seuls à vouloir développer ce
secteur. Il est donc peu probable que la France gagne cette concurrence
mondiale sans une véritable stratégie industrielle de santé.
particulièrement vrai dans le domaine de la santé numérique, où nous avons
besoin d’une stratégie développant à la fois les infrastructures, les contenus
et les usages. S’agissant des infrastructures, le problème se situe moins au
niveau des couches « techniques » (réseaux ou solutions d’hébergement) qu’au
niveau de leur articulation avec des équipements de toutes origines et,
surtout, de la conduite du changement assurant une adhésion des professionnels.
S’agissant des contenus et des usages, le déploiement de dispositifs d’imagerie
numérique est en France le quart de ce qu’il est au Danemark. Ce retard est en
train d’être rattrapé grâce aux projets de « clouds » régionaux, mais le niveau
national doit continuer à encourager et accompagner ces projets.
que d’une malédiction des coûts, notre santé est donc davantage victime d’un
double problème de vue : à la fois hypermétrope, car elle voit difficilement de
près ses propres bénéfices, et myope avec des difficultés à voir au loin une
stratégie industrielle permettant d’en développer les atouts.