Paru ce jour dans Les Echos.
(1) Sondage « Les jeunes actifs et la retraite », 2013(2) Rapport Moreau 2013, p. 27
Personne n’a d’idée claire sur son niveau de vie à la retraite, faute de réponse à trois questions. 1. – Le système public sera-t-il en mesure de tenir ses promesses ? 2. – Quelle retraite accordera-t-il à chacun ? 3. – Comment et combien faut-il épargner en complément de cette retraite ?
Le système tiendra-t-il ses promesses ?
La capacité du système de retraite à tenir ses engagements est un débat récurrent – chaque réforme affirmant régler le problème laissé par le gouvernement précédent. Le Conseil d’orientation des retraites a, en partie, clarifié ce débat en publiant des prévisions d’équilibre non partisanes. Néanmoins 89 % des jeunes ne sont pas confiants sur l’avenir des retraites, 25 points de hausse en quatre ans (1) ! Plus grave pour la démocratie : hormis les initiés (2), nul ne sait quel gouvernement s’est limité aux annonces, et lesquels ont vraiment agi. Or le déficit reste d’une vingtaine de milliards par an dans vingt ans si le chômage baisse à 4,5 %, et atteint 50 milliards dans un scénario de croissance plus faible…
Quel montant attendre ?
A la question de la solidité d’ensemble s’ajoute une incertitude individuelle : personne ne sait à quel niveau sera son niveau de retraite, même si les Français s’attendent à toucher plus de 60 % de leur salaire (4). La réalité est variée, comme le montre Neovia (3), et ses opportunités (rachat de trimestres, cumul emploi-retraite…) sous-estimées. Maurice, soixante-deux ans, commerçant avec un revenu confortable de 260.000 euros par an, perdra 88 % de son revenu à l’heure de la retraite. Pour Marc, cadre de cinquante-huit ans payé 230.000 euros, la baisse sera de 2/3. Avec une carrière différente, Hervé, soixante-deux ans, 175.000 euros par an, aura une baisse limitée à 30 %. Et grâce au rachat de trimestres il pourra gagner un total de 300.000 euros supplémentaires.
Comment l’améliorer ?
Même si les Français savaient le niveau de leur retraite future, ils seraient démunis pour définir la stratégie d’épargne adaptée. En effet, nous sommes passés d’un système public censé couvrir l’ensemble des besoins à un système où chacun, sans disposer des informations nécessaires, doit se constituer une épargne complémentaire. Les besoins sont souvent méconnus – qui sait qu’une place en maison de retraite coûte en moyenne plus de 3.300 euros par mois (5) à Paris ? Le montant à épargner est aussi mal connu. Où sont les études permettant à chacun d’avoir une idée sur les rendements à long terme des différents types d’actifs ? Alors que le débat fait rage sur le futur de la productivité et son partage entre actionnaires et salariés, ou sur l’impact des politiques de taux bas sur l’épargne, aucune étude publique n’en explique les conséquences – même sous forme de scénarios – sur l’épargne que chacun doit constituer pour bénéficier d’un complément de revenu donné. Les Français en sont réduits aux prospectus commerciaux, aux sophismes (« l’immobilier ne baisse jamais à Paris ») ou aux arguments de vente (parfois plus orientés vers la marge du vendeur que vers le rendement net à long terme pour l’épargnant).
« Accroche-toi au pinceau, je retire l’échelle », dit le fou à son compère qui repeint le plafond. De même, on a retiré au futur retraité la confiance qu’il pouvait avoir dans l’ancien système sans lui fournir les informations qui lui permettraient de se reconstruire une certitude sur son revenu futur. D’une certaine façon, la réforme des retraites a fait la moitié du chemin : l’avenir du système des retraites en général a été consolidé, mais il reste beaucoup à faire en faveur de chaque futur retraité en particulier pour qu’il dispose des moyens de définir le complément d’épargne qui lui sera nécessaire compte tenu des ajustements intervenus sur les régimes de retraite.