Publié le 21 juin dans La Tribune.
2 551,8 km pour l’équivalent d’un litre d’essence avec un véhicule à gaz compressé: le Shell Eco Marathon est une compétition unique qui met au défi des étudiants de concevoir, construire et conduire des véhicules capables de parcourir la plus grande distance possible avec une quantité minimum de carburant.
Pour l’édition 2015 qui s’est déroulée à Rotterdam les 23 et 24 mai 2015, ce sont des français (lycée La Joliverie de Nantes soutenu par GRTgaz) qui ont remporté la toute nouvelle catégorie des moteurs alimentés au Gaz Naturel Comprimé (GNC). Avec une distance de 2 551,8 km pour l’équivalent d’un litre d’essence (soit 5 cl de carburant, ou l’équivalent d’un dé à coudre, aux cent kilomètres), Microjoule a réalisé un record historique pour un véhicule roulant au gaz. Parmi les 200 compétiteurs, Microjoule se distingue également comme le vainqueur de cette 30ème édition du Shell Eco-marathon toutes catégories confondues, devant l’essence, le diesel et les autres carburants alternatifs.
Les atouts du Gaz naturel comprimé (GNC)
Peu connu, le GNC est un carburant à fort potentiel, pour deux raisons :
- Tout d’abord, il contient une masse de CO2 par unité d’énergie inférieur de 25% par rapport à l’essence et au diesel. Cet élément est le point fort de cette énergie. Et avec du gaz issu de la méthanisation des déchets (le biométhane), une filière en plein développement en France et en Europe, les émissions de CO2 peuvent être quasi nulles;
- -Ensuite, le GNC dispose d’un pouvoir antidétonant très supérieur à celui de l’essence, permettant une utilisation adaptée aux moteurs de grande cylindrée et des rendements identiques aux moteurs diesel équivalents. Et le moteur GNC génère beaucoup moins de polluants (NOx et particules fines), tout en produisant deux fois moins de bruit que le moteur diesel.
Le gaz compressé, carburant d’avenir
L’introduction du gaz dans la compétition du Shell Eco Marathon relève d’une tendance de fond dans le secteur des transports. Depuis quelques années, on observe un intérêt croissant des constructeurs de véhicules pour les motorisations gaz, quels que soient les segments (petites citadines, véhicules utilitaires, poids-lourds). C’est la conséquence des évolutions réglementaires européennes, en particulier de la norme Euro 6 qui impose des seuils d’émission des polluants très contraignants, conduisant les motoristes à complexifier les équipements de post-traitement des véhicules thermiques traditionnels essence et surtout diesel. Le prix du gaz, durablement inférieur au prix du pétrole, rend par ailleurs l’équation économique particulièrement favorable.
L’absence de véhicules au gaz: la poule, l’œuf et l’Europe
Le gaz permet également de concevoir des moteurs plus simples, qui offrent une façon de répondre aux futures normes environnementales à des coûts maitrisés. Alors pourquoi voit-on aussi peu de véhicules à gaz sur nos routes ? Essentiellement pour des raisons de coordination : les distributeurs de carburant attendent de voir suffisamment de véhicules pour augmenter le nombre de stations. De leur côté, les décisions des constructeurs pour commercialiser des modèles de véhicules fonctionnant au gaz et en améliorer la performance dépendent de la densité des réseaux de stations. Les consommateurs attendent d’avoir suffisamment de choix de véhicules et de stations à proximité.
Avec à peine 40 stations publiques, et une offre de véhicules très réduite, la mobilité gaz peine à se développer en France. Or on estime qu’il serait possible de convertir au gaz environ 10% du parc des véhicules en France d’ici à 2030, ce qui nécessiterait un réseau de 1 500 stations publiques.
Le salut viendra peut-être de l’Europe : une directive demande en effet à chaque Etat membre de fournir d’ici fin 2016 leur plan d’action national en matière de réseau d’avitaillement pour les carburants alternatifs aux carburants pétroliers, parmi lesquels figurent le gaz, l’électricité et l’hydrogène.
Vincent Rousseau, expert en mobilité gaz pour l’Observatoire du Long Terme