jeudi, novembre 14, 2024

2018 : la France leader mondial des réformes ?

                                                         
Bonne année en perspective: le moral
des chefs d’entreprise atteint des niveaux dépassés trois fois seulement dans
l’histoire des statistiques (avant la crise de 2008, en 2000, en 1998 et la fin
des années 80) et marqués par une croissance élevée. Pourtant la croissance
attendue en 2018 (1,6 à 2%) est modeste et elle ne compensera pas une décennie anémique
(0.8% de mi-2008 à mi-2018). Les créations d’emplois attendues à  mi-2018 (+72.000) dépasseront à peine l’augmentation
du chômage toutes catégories au seul mois de juillet 2017 (+59.000). Comment
aller plus vite ?
On manque encore de recul pour
réellement juger de l’impact des réformes du Président Emmanuel Macron et du
gouvernement d’Edouard Philippe. Mais un point est d’ores et déjà acquis :
la réduction de « l’arbitraire juridique », ces lois inadaptées,
répondant à l’urgence plus qu’à une analyse précise du problème, résultant d’une
négociation politique laborieuse plus que d’une analyse factuelle. Ce faisant,
la France a fortement réduit le coût pour une entreprise que représente le fait
d’être soumis à des changements de règles aberrants (blocage des loyers,
création du compte pénibilité, compte pénibilité,…). Ce coût est une sorte de
« taxe de complexité ». C’est la pire des taxes : elle ampute
emploi et pouvoir d’achat sans rien rapporter au budget ! Son niveau échappe aux
débats parlementaires destinés à équilibrer les moyens donnés pour atteindre les
objectifs du gouvernement et la limitation de la charge imposée aux français.
Or cette « taxe » est encore
loin d’être abolie. Le fiasco du logiciel « admission post bac »
rappelle qu’il ne suffit pas de dissimuler cette complexité dans un logiciel pour
s’en débarrasser. Résistons aux éternelles listes de simplifications inspirées de
modèles étrangers. Osons au contraire créer un modèle pour nos voisins avec la
« mère des réformes » : mettons sous pression la taxe de
complexité en publiant son niveau, comme celui des prélèvements obligatoires. Il
est en effet facile d’estimer sur un panel les millions d’heures perdues par
les entreprises et citoyens français à remplir leurs principales formalités.
Pour renforcer la croissance, il
faut également positionner la France face aux opportunités de demain. Une chose
est de communiquer sur des startups prometteuses ou des nouveaux investissements.
Il est plus difficile d’assurer à tous l’accès aux outils qui assurent une
croissance forte. Mais c’est la seule façon d’atteindre des résultats dépassant
l’anecdote : dans l’histoire des statistiques macro-économiques la courbe
de diffusion des technologies a toujours précédé celle de la productivité. Ce
qu’il faut pour cela, ce n’est pas tant chercher à conforter des monopoles ou à
créer « les champions d’une nation ». Il faut au contraire créer une
« nation de champions » en diffusant au maximum les usages de la
technologie. La réussite se mesurera au nombre de chartes signées et de
conférences de presse dans le premier cas, et à l’évolution d’indicateurs
d’accès, d’usage et de développement sur des technologies clefs dans le second.
Enfin, notre modèle d’inclusion
sociale doit être repensé pour donner aux français les assurances qui solidifieront
durablement la consommation. La France a désormais compris en grande partie ce
qui ne marche pas. Plus clairs sur ce qu’il faut enlever, nous restons flous
sur ce qui peut le remplacer efficacement à l’avenir : Comment assurer un
minimum de pouvoir d’achat sans reposer sur un salaire minimum destructeur d’emploi ?
Comment soutenir le risque entrepreneurial sans ruiner l’assurance-chômage ?
Là encore nous pourrions ouvrir une nouvelle voie au reste du monde : l’augmentation
de l’inégalité des possibles, le ralentissement de l’ascenseur social et la
création de «  rentes 2.0 » sont des réalités mondiales. Certains
proposent de les traiter par une taxe sur les hauts revenus. Si l’on exclut
de  taxer ces rentes, on doit éviter
qu’elles ne se créent : politique de concurrence, démocratisation de
l’usage de la technologie, accompagnement des opportunités offertes aux plus
modestes,…
A ces conditions, la France pourra
passer d’une situation de rattrapage, focalisée sur la réparation des maux
qu’elle s’est infligée à elle-même, à une position d’éclaireur, focalisée sur
les réformes qui préfigurent l’avenir et nous placeront  à l’avant-garde économique et sociale.

Vincent Champain est cadre
dirigeant et président de l’Observatoire du Long Terme, think tank dédié aux
enjeux de long terme.
À propos

Dédié à l'analyse des questions économiques, sociales et environnementales de long terme, L'Observatoire du Long Terme se fixe pour objectif de donner davantage de visibilité à ces enjeux dans le débat public. Dans ce contexte, il donne la parole à des contributeurs variés, avec pour seul critère le caractère étayé des arguments présentés.

L'Observatoire est indépendant, ne reçoit aucune aide financière et repose sur le volontariat de ses contributeurs, de son bureau, présidé par Vincent Champain et Bruno Fuchs.

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