Publié dans Les Echos le 17/02/2022
En ces temps de campagne, les propositions pour augmenter le pouvoir d’achat se multiplient et donnent l’occasion de rappeler la différence entre les mesures qui augmentent réellement ce pouvoir d’achat et celles qui n’auront pas d’effet durable.
Le premier levier en France pour augmenter le pouvoir d’achat, c’est le taux d’activité. Il ne s’agit pas seulement des trois millions de demandeurs d’emploi, mais des 13,7 millions de personnes en âge de travailler sans emploi. Certains poursuivent des études, d’autres sont en arrêt maladie ou restent au foyer. Mais si notre taux d’emploi atteignait celui des Pays-Bas, dont le niveau d’éducation et de santé est comparable au nôtre, nous aurions 120 milliards de pouvoir d’achat en plus. Pour augmenter le taux d’emploi, nous devons questionner les choix qui font baisser le chômage sans augmenter l’emploi (stages « parking », dispositifs tels que le RSA qui mettent l’essentiel des moyens sur l’indemnisation ou l’incitation plutôt que d’accompagner le retour à l’emploi,…). Par ailleurs, de nombreuses voies restent possibles pour aider les entreprises de croissance : ainsi le préavis pour un salarié qui souhaite les rejoindre peut atteindre 3 mois. Cette entreprise se développera donc plus rapidement dans les pays où ce délai est raccourci. Autre exemple, le tiers des salariés à temps partiel souhaiterait travailler plus. S’ils pouvaient faire 10 heures de plus par semaine, ils auraient 7 milliards de pouvoir d’achat supplémentaire.
Le second levier pour augmenter le pouvoir d’achat c’est de réduire les rentes. En matière d’épargne retraite, les réformes successives ont poussé les français à épargner pour compléter leur retraite. Mais ils sont confrontés à des niveaux de frais élevés pouvant atteindre 3% par an. Sur une vie d’épargne, ils réduiront le complément de retraite de plus d’un tiers. Et paradoxalement, certains dispositifs créés pour aider à constituer une épargne ont l’effet inverse de celui recherché : en conditionnant une aide fiscale à la souscription d’un produit qui n’existe qu’en France, ils limitent le choix des épargnants à des produits dédiés, aux frais les plus importants et parfois opaques. Les français pourraient gagner plusieurs milliards de pouvoir d’achat annuel d’un système plus efficace et plus transparent. Correctement ciblée, la politique de concurrence peut aider à maintenir des prix modérés : l’une des décisions qui a eu le plus fort impact sur le pouvoir d’achat de ces dernières années a été d’autoriser un nouvel opérateur mobile, ce qui économise des milliards aux français chaque année.
Par ailleurs, des services publics gérés et déployés de façon efficace – qu’il s’agisse de santé, de transport, d’éducation ou de justice – permettent aux français de faire des économies importantes. L’inverse est vrai : les laisser se dégrader, c’est amputer le pouvoir d’achat des ménages. De la même façon, des régulations inefficaces couteront cher aux français. Comme l’a rappelé récemment RTE, les français perdront 10 milliards d’euros par an si les investissements qui éviteront une flambée des prix de l’énergie ne sont pas pris. De même pour les normes de rénovation de l’habitat : une partie présente une efficacité et un retour sur investissement douteux, et bénéficient plus aux intermédiaires ou aux prestataires, qu’aux propriétaires. Or le coût du défi climatique nous impose au contraire de focaliser nos moyens sur les mesures dont le coût par tonne de CO2 est le plus bas et d’éviter aux ménages des dépenses inefficaces.
Une mesure fiscale n’augmentera le pouvoir d’achat national moyen que si elle prélève des entités extranationales, et sous réserve de ne pas cacher une mesure protectionnisme : les ménages français gagnent chaque année des milliers d’euros de pouvoir d’achat grâce aux échanges internationaux. Réduire ces échanges sans raison valable réduira leur pouvoir d’achat. En revanche, un prix du carbone est une mesure efficace pour réduire les émissions, et donc limiter l’impact sur le pouvoir d’achat – pourvu que ce dispositif soit associé à une mesure en faveur des ménages les plus impactés par la hausse des prix des produits carbonés. On pourrait également s’intéresser à l’idée d’un prix de la tonne de particules fines : elles causent des dizaines de milliers de décès en France chaque année, alors que certains jours, plus de 80% des particules fines respirées à Paris ont leur origine hors de France.
Enfin, beaucoup de propositions présentées comme en faveur du pouvoir d’achat se limitent à faire des cadeaux aux français avec l’argent de leurs enfants. En effet, notre dette a augmenté de plus de 250 milliards ces dernières années, et les perspectives de hausse des taux confirment l’illusion d’une « dette qui ne coute rien ». Augmenter le pouvoir d’achat en baissant une cotisation, un impôt, un gel de prix ou une aide sans les financer, c’est augmenter la dette qui sera payée par nos enfants. Le pouvoir d’achat des français n’est pas augmenté, il est réduit plus tard pour être augmenté maintenant.
Au total, les pistes ne manquent pas pour augmenter le pouvoir d’achat des français. Mais dans le débat qui s’ouvre, n’oublions pas que les seules mesures qui bénéficieront durablement aux français sont celles qui contribuent à augmenter le niveau de l’activité, de l’efficacité ou de la transparence de notre économie.
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