Que faire face au chômage des jeunes ? Notons d’abord que la mesure du taux de chômage des jeunes (23 %) est d’une fiabilité limitée, car la plupart d’entre eux sont exclus de ce calcul : le taux est en effet le rapport entre le nombre de ceux qui cherchent un emploi (6,5 % des jeunes) et le nombre de ceux qui ont fini leurs études (soit moins d’un tiers des jeunes).
De plus, ce taux est, partout, plus élevé que la moyenne. En effet, avant d’occuper un emploi, il faut en chercher un. Or, si les 800 000 jeunes qui arrivent en 2006 comme chaque année sur le marché du travail sont inscrits en moyenne trois mois pour chercher un premier emploi, on compte déjà 200 000 chômeurs jeunes - soit la moitié des 420 000 recensés actuellement. Le chômage des jeunes est donc plus de deux fois supérieur au taux de chômage de l’ensemble de la population dans tous les pays du monde, en France comme aux Etats-Unis.
Par ailleurs, les jeunes sont les « amortisseurs » des ralentissements de la conjoncture, en étant à la fois les premiers licenciés et ceux dont l’embauche est retardée. Ainsi, le nombre de jeunes chômeurs a-t-il baissé de 34 % de mi-1997 à mi-2002 quand le reste du chômage diminuait de 27 %, alors qu’il a progressé de 8 % depuis mi-2002 contre 2 % pour le reste du chômage.
Finalement, on peut distinguer trois types de personnalités politiques qui voudront créer un dispositif ciblé sur le chômage des jeunes. Les « bons » voudront répondre aux difficultés des jeunes exclus (qui n’ont pas le droit au RMI) : le dispositif Trace relèvent de cette logique. Les « brutes » voudront utiliser les jeunes comme « terrain d’expérimentation sociale » : il est plus facile de tenter de baisser leur salaire ou leur protection sociale que celui de ceux qui disposent d’éléments de comparaison. Les « truands » auront une approche « marketing » du chômage abordé par « segments », en fonction du poids électoral des différentes catégories de chômeurs. Ils ne veulent pas résoudre le problème du chômage, mais plutôt donner des signes aux électeurs qui en sont victimes.
Sorti de ces trois motivations, face au chômage des jeunes, il faut aborder deux questions globales : pourquoi des personnes sortant de notre systeme éducatif ne disposent-elles pas des moyens d’avoir un emploi ? pourquoi le chômage en France est-il aussi élevé ?
Je reviendrai sur le premier point dans un autre billet. Notons simplement qu’il faut à la fois que les jeunes sachent des choses utiles pour l’entreprise, mais aussi qu’ils aient un bagage théorique afin qu’ils « sachent apprendre » pour pouvoir acquérir demain les connaissances qui leur seront alors nécessaires.
Le problème de l’emploi appelle à traiter les causes profondes de ce mal, et, notamment, à choisir entre deux voies. La première est le « modèle libéral » : beaucoup de travailleurs pauvres (il y a en a autant aux Etats-Unis qu’il y a de pauvres et de chômeurs réunis en France), des riches plus riches, des pauvres plus pauvres, une cohésion sociale moyenne, mais un système « simple » avec peu de chômeurs, notamment en raison de l’extrême dureté de cette situation. Mais il y a aussi la voie « nordique », qui associe faibles inégalités, faible pauvreté et forte cohésion sociale. Elle suppose d’abord d’encadrer la démarche de recherche d’emploi. Cette tâche exige en effet des compétences et des initiatives qui dépassent en complexité le contenu de bien des emplois : bilan sur soi, connaître le « marché », définir un objectif, se former… Il s’agit d’activités à part entière, difficiles à mener seul. Ensuite, la France a su transformer son industrie, s’ouvrir à l’international ou se doter d’un Smic et d’assurances sociales financées par des cotisations. Ce sont de bons choix, mais ils ont condamné certains emplois sans créer d’emplois de substitution. Pour cela, il aurait fallu solvabiliser des millions d’emplois pour ramener leur coût au « niveau du marché » sans sacrifier le revenu de ceux qui les occupent. Enfin, il faut coordonner notre réponse au chômage, aujourd’hui diluée entre entreprises, Unedic et Etat, et changer un système où l’Etat est compétent pour traiter un chômage dont les ravages se font sentir dans des communes démunies pour y faire face.
Plutôt que de débattre sans fin sur le dernier « contrat bidule » à créer pour les jeunes, c’est donc bien sur les questions de l’éducation et de l’emploi qu’il faudrait amener le débat…