Au-delà du revenu universel et de l’assurance chômage : repenser notre modèle social d’activité

Publié dans Les Echos.

Un modèle d’emploi est défini par
trois composantes principales : la protection contre des revenus insuffisants,
les services d’aide à la recherche d’emploi et le rôle d’employeur en
dernier ressort.

La protection des revenus a été
progressivement assurée par le salaire minimum (le SMIG équivalent 370 euros en
1950) et l’assurance chômage (90% du dernier salaire en 1958). L’augmentation
du chômage a conduit à ajouter en 1998 le RMI, devenu le RSA depuis. La lutte
contre les « trappes à chômage » (la reprise d’une activité a temps
partiel faisant perdre certaines allocations qui pouvait réduire le revenu
total) a conduit à créer la prime pour l’emploi (devenue prime d’activité). Les
indépendants ont quant à eux largement été laissés de côté. Ce millefeuille
doit être refondu en séparant mieux les niveaux de solidarité et d’assurance
perte de revenu universelle. Le cœur du niveau de solidarité doit être le
revenu universel d’activité, proposé il y a deux ans dans ces colonnes :
un revenu minimal pour tous mais conditionné à un parcours de recherche active
d’emploi, qui comprend au bout de quelques semestres un emploi –  éventuellement à temps partiel pour les
demandeurs qui ont besoin plus de temps pour trouver l’emploi souhaité. Le
salaire minimum doit être maintenu à un niveau qui limite les effets de
destruction d’emplois peu qualifiés. Une assurance perte de revenu universelle
suppose d’unifier la couverture des salariés du privé et du public, et de
réfléchir à l’extension du bonus-malus des employeurs publics, aujourd’hui
responsables de leur propre risque. On peut envisager des taux basés sur le
niveau de risque par secteur (comme pour les accidents du travail) mais gardant
une part de mutualisation importante, associés à des négociations pour
normaliser les pratiques et ramener le « malus » proche de zéro.
Compte tenu de la nature des risques, la couverture des indépendants doit
rester facultative, mais on pourrait définir une formule de base, notamment
adaptée aux indépendants des plateformes numériques, assurant clarté,
simplicité et niveau de concurrence entre assureurs privés.

L’aide à la recherche d’emploi doit
quant à elle être fortement intégrée avec l’assurance perte de revenu. C’est à
cause de leur séparation que les français se focalisent autant sur le contrôle
de chômeurs, contrairement aux pays dans lesquels l’assurance est liée à des
actions d’orientation, de formation ou de recherche d’emploi suffisamment
intenses pour qu’il n’y ait pas de doutes sur la réalité de la recherche
d’emploi. C’est un changement de philosophie et de niveau de moyens. Par
ailleurs, la qualité d’un service d’accompagnement se mesure au nombre de
personnes en emploi, mais aussi à la qualité de l’appariement entre emplois et
demandeurs. Plutôt que de pousser à prendre un emploi peu inadapté par des
indemnités dégressives, il vaut mieux imposer au bout d’un certain temps un
emploi à temps partiel qui aura le même impact économique tout en laissant le
temps de chercher le bon emploi.

Dans ce système, le rôle d’employeur
en dernier ressort est nécessaire pour proposer un emploi à ceux qui n’en
trouveront pas. Or troisième pilier n’a jamais été organisé, même s’il est
rempli pour certaines catégories : c’est ce que font les centres d’aide
par le travail pour handicapés. Par le passé, collectivités locales et
entreprises publiques ont rempli ce rôle par des embauches
« sociales ». C’est moins le cas désormais, alors que plusieurs
études pointent le risque d’un déficit d’emplois peu qualifiés. Il faut donc
sérieusement repenser le rôle d’employeur en dernier ressort, d’abord en
laissant sa place au privé en évitant ce qui détruit l’emploi – mieux vaut
soutenir les revenus par un revenu universel d’activité couplé à un salaire
minimum, que pousser le salaire minimum seul à des niveaux qui accélèrent les
destructions d’emplois. L’employeur en dernier ressort doit également s’effacer
quand la conjoncture ou la qualification du demandeur le permettent – les
emplois aidés ont failli sur ce point par manque d’accompagnement et de
formation dans l’emploi.

Les réformes entreprises par Emmanuel Macron et Edouard Philippe ont commencé à s’attaquer aux incohérences de certaines
parties de notre système. Mais pour construire le modèle de social du futur, il
faut désormais regarder notre système dans son ensemble.

À propos

Dédié à l'analyse des questions économiques, sociales et environnementales de long terme, L'Observatoire du Long Terme se fixe pour objectif de donner davantage de visibilité à ces enjeux dans le débat public. Dans ce contexte, il donne la parole à des contributeurs variés, avec pour seul critère le caractère étayé des arguments présentés.

L'Observatoire est indépendant, ne reçoit aucune aide financière et repose sur le volontariat de ses contributeurs, de son bureau, présidé par Vincent Champain et Bruno Fuchs.

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