Quelle industrie pour le futur ?



L’industrie du futur a parfois été présentée sous la forme d’entreprises
sans usines («
fabless »), centrées sur la
conception et expédiant la production en Asie, à jamais plus compétitive.

En réalité, le coût du travail en Bulgarie est, en 2012, inférieur au
salaire de Foxconn, en Chine. L’inflation salariale y dépassant 10 %, leurs
coûts salariaux approcheraient les nôtres dans vingt ans. Déjà, des cas de
relocalisations sont signalés. Mais il serait erroné d’y voir le signe d’un
retour spontané de l’industrie d’autrefois, d’abord parce que l’industrie est
de plus en plus une « industrie 2.0 », à la fois plus intégrée, ouverte et
distribuée. Ensuite, parce que son retour dépendra certes d’évolutions
macroéconomiques, mais surtout des choix stratégiques à prendre dans les années
à venir.
Une industrie 2.0 intégrée mondialement

Cette industrie 2.0 est intégrée dans son environnement. Elle offre à la
fois des équipements, des systèmes informatiques et des services destinés à
optimiser la productivité de leurs actifs au contexte spécifique de chaque
client – par exemple le rendement énergétique, le taux d’utilisation d’un
bloc opératoire ou l’efficacité d’un moteur d’avion. Elle intègre davantage les
contraintes environnementales de la production de l’équipement jusqu’à son
recyclage. Loin de la séparation conception-production du modèle « fabless »,
ce modèle repose sur le « fabs, labs & advices », soit une coopération
étroite entre centres de production, de recherche et de services.
Elle est également intégrée mondialement : la relocalisation en France ira
de pair avec la poursuite d’une logique de « chaîne de valeur mondiale ».
A l’image de l’emploi de l’automobile allemande qui doit la croissance de son
emploi en Allemagne à sa sous-traitance en Europe de l’Est, la France doit
savoir concentrer ses ressources sur les parties de chaîne de valeur où elle
peut être compétitive. Pour gagner des emplois en France et exporter, il faut à
la fois savoir importer judicieusement et attirer les entreprises capables de
positionner la France au bon endroit de cette chaîne de valeur.
Vers une coopération recherche-entreprise et une
stratégie de « croissance créative »

L’industrie 2.0 est ouverte et repose sur des partenariats entre
multinationales (qui savent gérer des volumes importants et accèdent à un
marché mondial) et PME (qui maîtrisent des techniques pointues), entre
entreprises (qui innovent en transformant des idées en euros) et la recherche
publique (qui explore en transformant des euros en idées), entre l’entreprise
et ses clients (qui contribuent à la définition de nouveaux produits). Pour
cela, nous devons améliorer la coopération recherche-entreprise et les
financements associés qui, hormis le crédit impôt recherche, sont parfois
inadaptés aux modes d’innovation des grands groupes.
Cette industrie est distribuée dans son architecture. Elle propose moins de
gros équipements et plus de réseaux d’équipements moyens connectés. Ce sont des
réseaux intelligents, qui permettent de tirer meilleur parti de sources
d’énergies, telles que le vent, le solaire ou la cogénération, ou les systèmes
qui permettent de faire communiquer des équipements médicaux entre eux et avec
les médecins.
A l’image de l’Allemagne dans les machines-outils ou de la France dans les
moteurs d’avion, les turbines à gaz ou le matériel médical, l’industrie 2.0
offre un potentiel considérable. Pour le réaliser, nous devrons cependant nous
doter d’une stratégie de « croissance créative » visant d’abord la
disponibilité de facteurs de production compétitifs (capital, talents, énergie,
services publics…), ensuite, la simplicité pour les entreprises à combiner
ces facteurs entre eux et avec des composantes importées de façon innovante
(simplicité du droit, création d’entreprises, attractivité pour les
multinationales, facilitation des partenariats…) et, enfin, l’accès à une
demande forte (ouverture commerciale européenne et mondiale). Autrement dit,
elle devra assurer une terre fertile plutôt que de décréter quels arbres
doivent être plantés !
À propos

Dédié à l'analyse des questions économiques, sociales et environnementales de long terme, L'Observatoire du Long Terme se fixe pour objectif de donner davantage de visibilité à ces enjeux dans le débat public. Dans ce contexte, il donne la parole à des contributeurs variés, avec pour seul critère le caractère étayé des arguments présentés.

L'Observatoire est indépendant, ne reçoit aucune aide financière et repose sur le volontariat de ses contributeurs, de son bureau, présidé par Vincent Champain et Bruno Fuchs.

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