Le gaz pour réduire les émissions dans les transports ?

Si les émissions de gaz à effet
de serre de l’UE28 ont baissé de 23% entre 1990 et 2014[1],
celles du secteur des transports ont augmenté dans le même temps de 20%,
faisant de ce secteur le plus gros défi climatique que l’Europe devra relever dans
les années à venir. Et ce malgré la diminution constante des consommations
unitaires des véhicules depuis 20 ans, qui ne réussit pas sur la durée à compenser
l’augmentation du parc. L’adoption rapide de nouvelles solutions est d’autant
plus urgente que la baisse soudaine des nouvelles immatriculations de véhicules
légers diesel au profit de l’essence, 20% plus émetteur de CO2, pourrait
encore aggraver le phénomène.
Émissions de gaz à effet
de serre par secteur, EU-28, 1990 et 2014 (Eurostat)

Les énergies qui permettront
d’inverser la tendance sont connues : l’électrique, le gaz et à plus long
terme l’hydrogène constituent les seules alternatives crédibles. Le véhicule 100%
électrique pour les trajets quotidiens semblent avoir séduit un grand nombre de
décideurs politiques pour ses très faibles émissions de CO2 et de
polluants. Mais le coût total d’utilisation reste élevé, et le temps de
recharge n’est pas adapté certains usages comme les trajets longs. L’hydrogène
est prometteur mais doit encore réduire ses coûts – encore beaucoup trop importants.
Un bilan carbone du gaz carburant meilleur que le diesel

Le gaz vit quant à lui une
véritable renaissance, alliant un cout total intéressant et un surcoût des
véhicules modéré. Selon l’association NGVA Europe[2],
l’utilisation du gaz dans le secteur des transports permettrait[3]
des réductions de CO2 de l’ordre de 23% par rapport à l’essence et
de 7% par rapport au diesel pour les véhicules légers, et de 16% par rapport au
diesel pour les poids-lourds. Le gaz réduit par ailleurs d’autres polluants
comme les particules fines.
Ces réductions peuvent être
portées à 80% avec du biométhane, du gaz issu de la fermentation de matière
organique. Ces estimations sont basées sur une comptabilisation globale des
émissions selon une approche dite du « Puits-à-la-Roue », qui prend
en compte les émissions de CO2 du véhicule mais aussi de l’ensemble
des maillons permettant d’apporter l’énergie à ce même véhicule.
En ce qui
concerne les véhicules mis sur le marché, on assiste aujourd’hui au
développement de deux marchés distincts. D’un côté une demande de plus en plus
importante pour le marché des poids-lourds, tirée par les acteurs de la grande
distribution qui anticipent les futurs dispositifs d’amélioration de la qualité
de l’air comme les zones à circulation restreinte. La France qui représente
actuellement le plus gros marché européen pour ce type d’utilisation, le gaz
permettant aux transporteurs routiers de diminuer leur empreinte carbone, leurs
émissions de polluants tout en maitrisant leur compétitivité.
De l’autre
côté, l’Allemagne ou l’Italie développent le gaz principalement pour les
véhicules légers. D’une part parce que leurs constructeurs nationaux respectifs
offrent déjà des motorisations gaz dans leur catalogue. D’autre part parce que
le réseau de stations est en place, ce qui permet d’envisager une poursuite du
développement du gaz, et ce pour une raison bien précise.
En février
2014, le parlement européen adoptait une réglementation imposant aux
constructeurs automobiles des émissions moyennes de 95gCO2/km à
partir de 2021 dans chacun des états membres, sous peine de se voir infliger
des pénalités pour les émissions excédentaires. Un développement rapide du
véhicule électrique et quelques améliorations supplémentaires sur les
motorisations diesel devaient leur permettre d’atteindre cet objectif. Quelques
années plus tard, les objectifs de vente de véhicules électriques sont loin
d’être atteints (l’Allemagne a récemment tiré un trait sur son objectif d’un
million de véhicules électriques en 2020).

« Puits-au-Réservoir » + « Réservoir-à-la-Roue »
= « Puits-à-la-Roue »
Une solution
pour remplir cet objectif d’émission de CO2 consisterait non pas à
renégocier le seuil, mais plutôt à repenser son mode de calcul. Les émissions
sont aujourd’hui déterminées selon une approche dite du
« Réservoir-à-la-Roue », qui quantifie l’impact climatique d’un
véhicule uniquement sur la base du CO2 rejeté par ce véhicule. Or
les chaines de production, de transport et de distribution des énergies en
amont du réservoir (ou de la batterie) des véhicules sont elles-mêmes plus ou
moins émettrices de CO2, et une juste comptabilité de l’empreinte
carbone devrait intégrer l’ensemble de la chaine amont dite du
« Puits-au-Réservoir ».
L’application
de ce principe au biométhane est emblématique : alors qu’avec une approche
du « Réservoir-à-la-Roue » un véhicule gaz rejette en moyenne 118gCO2/km
quel que soit l’origine du gaz (fossile ou renouvelable), une approche globale du
« Puits-à-la-Roue » conduit à 131gCO2/km avec du gaz
d’origine fossile … et 30gCO2/km avec du gaz d’origine
renouvelable.


La clef de cette équation réside
évidemment dans le développement de la filière de production de gaz
renouvelable en Europe. En France, le potentiel de production de biométhane est
important : le gisement mobilisable sur le territoire national d’ici 2030
est estimé à 56TWh/an[4],
soit deux fois plus que les prévisions de consommations de gaz carburant à cet
horizon. Bref rien ne s’oppose à ce que l’on « mette les
gaz » dans les transports !
Vincent Rousseau & Vincent Champain pour l’Observatoire du Long Terme

[1] Selon
Eurostat, les émissions globales de CO2eq sont évaluées à 5 735,1 Mt
en 1990 et à 4 419,2 Mt en 2014.
[2] Natural Gas Vehicle Association for
Europe
[3] http://ngvemissionsstudy.eu
[4] Panorama
des gaz renouvelable – Année 2016
À propos

Dédié à l'analyse des questions économiques, sociales et environnementales de long terme, L'Observatoire du Long Terme se fixe pour objectif de donner davantage de visibilité à ces enjeux dans le débat public. Dans ce contexte, il donne la parole à des contributeurs variés, avec pour seul critère le caractère étayé des arguments présentés.

L'Observatoire est indépendant, ne reçoit aucune aide financière et repose sur le volontariat de ses contributeurs, de son bureau, présidé par Vincent Champain et Bruno Fuchs.

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