Croissance économique : la France dépasse l’Allemagne.

Publié le  23 avril par La Tribune.fr

Lorsque je dois décrire la situation économique française à des collègues anglo-saxons, je commence toujours par leur dire que la première chose à savoir, c’est que la France se porte mieux que l’image qu’ils peuvent en avoir. Ensuite seulement, on peut discuter d’une liste de points d’améliorations que je ne détaillerais pas ici.

Pour étayer ce propos, figurent ci-après les chiffres de croissance depuis 14 ans en Europe, compilés par l’AFEP, une association regroupant les principales entreprises privées françaises, sur la base de données économiques de la commission européenne. 
On y voit que sauf de 2006 à 2008, la France s’y situe au-dessus de la moyenne européenne. Bref l’idée d’une France à la traîne de l’Europe ne correspond pas à la réalité économique : nous avons plutôt fait mieux. Là encore, celà ne signifie pas que tout soit rose – nous aurions pu sans doute faire mieux, et notre taux de chômage, notre dette ou notre niveau de déficit sont peu enviables.
Mais pour des acteurs économiques qui regardent la France et doivent choisir ce pays ou non, peu importe si nous gâchons une partie de nos atouts ou si nous faisons moins que ce que nous pourrions faire : ce qui compte davantage, c’est le dynamisme économique par rapport aux pays comparables (évidemment, que le niveau de fiscalité qu’il faudra acquitter pour profiter de ce dynamisme peut dégrader significativement le tableau). Et ce dynamisme est plutôt favorable à la France !
En laissant de côté les pays du Sud touchés par la crise, et en comparant la France au « champion Allemand », on pourrait s’attendre à rougir de honte. Et certes l’Allemagne fait mieux que vous ces dernières années. Mais si l’on regarde sur les 14 dernières années c’est un match nul : la croissance allemande était en effet supérieure à la nôtre 7 années sur 14, mais c’était l’inverse les 7 autres années. Là encore, on est loin des clichés sur le modèle allemand et son moteur économique tournant à plein régime : la réalité est en effet beaucoup plus nuancée que les commentaires des observateurs. 
C’est particulièrement vrai en 2013, comme le montre le tableau suivant regroupant les principales prévisions pour 2013, ainsi que les réalisations enregistrées début 2014.
On y voit qu’en 2013, la France a annoncé une prévision de 0,8 %, mais personne de l’a crue. Et en effet, elle a fini à 0,3 % A l’inverse, l’Allemagne a annoncé 1 %, et avait convaincu l’Europe autant que le FMI, qui avaient des estimations un peu inférieures, mais proches. En réalité, l’Allemagne a fini à 0,4 % de croissance, soit 0,1 % au-dessus de la France…
Mais creusons davantage, et examinons la situation sur 40 ans : le graphique suivant retrace l’écart de croissance (courbe pleine) : cette courbe est dans la partie verte quand la croissance française est supérieure à la croissance allemande, et dans le rouge dans le cas inverse. A vue d’œil, on constate que cette courbe fait des aller-retour autour de zéro : le pays qui devance l’autre une année est dans la situation inverse quelques années après. 
En pointillé, on a représenté l’écart de croissance cumulé depuis 1981 (courbe en pointillé), c’est à dire la somme des écarts de croissance depuis 1981. Plus cette courbe est dans la partie verte, plus la France prend de l’avance en termes de richesse produite chaque année. On voit sur cette courbe que le match était clairement gagné fin 2010 par la France !

On pourrait rétorquer que la démographie allemande étant moins dynamique que la nôtre, il faudrait comparer le chiffres de croissance par habitant. C’est ce que fait le graphique suivant : on voit que la courbe en pointillé finit moins haut, mais elle reste dans le vert : fin 2010, la France gagnait le match. Si l’on complétait cette analyse, qui s’arrête à 2010, avec les chiffres de 2011 à 2013, constaterait un écart cumulé proche de zéro, mais encore légèrement favorable à la France.
Que retenir de ces analyses ?
    1 – Que si la poésie est l’art d’aligner des mots qui expriment l’air du temps, et l’économie la science de l’analyse des données factuelles, alors le « french bashing » tient davantage du premier que de la seconde. De la même façon, il faut se méfier des « économistes du commentaire », qui répètent sans les analyser des stéréotypes invérifiés. 
    2 – Que malgré les hauts et les bas que peuvent connaître les économies mondiales, sur très longue période il est peu probable que le niveau de vie de pays voisins et fortement interconnectés s’écarte très fortement. Au contraire, il y a un phénomène de « retour à la moyenne » : les premiers une année donnée seront les derniers les années suivantes.
    3 – Néanmoins, ces constats ne doivent pas occulter le fait que l’économie française se situe très en-dessous de son potentiel. Ainsi, avec un taux de chômage de 11 % (celui du sous-emploi ou de l’emploi déclassé doublant probablement ce chiffre), nous pourrions augmenter fortement notre croissance si nous arrêtions d’exclure des millions de français du marché de l’emploi. De la même façon, l’image économique dégradée de notre pays, même si elle ne correspond pas aux faits, nous coûte des investissements et donc de l’emploi : nous aurions tout à gagner à l’améliorer. 

Vincent Champain et le pôle « stratégies économiques » de l’Observatoire du Long Terme.
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