Climat: à problème mondial, solutions mondiales

Publié ce jour dans Huffington Post, avec E. Etienne, P. Koch et G. Artois.

ENVIRONNEMENT – Prochain rendez-vous dans la lutte contre le changement climatique, la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP 21) de décembre 2015 visera à limiter le réchauffement global à +2°C. Pour nous rapprocher de cet objectif difficile à atteindre, nous devrons à la fois accélérer le rythme auquel nous améliorons les technologies pour les rendre moins carbonées, et la vitesse à laquelle ces technologies sont diffusées dans le monde entier. Ce deuxième point est souvent le plus important: contrairement aux idées reçues, les innovations sont plus souvent limitées par le rythme d’adoption de ces technologies que par leur coût!
L’accélération du commerce de produits verts reste pourtant curieusement absente du discours. Cette absence tient en partie à la complexité du sujet, qui le rend peu accessible au grand public. Elle tient aussi à des préjugés. On associe le commerce au transport, mais 90% des produits échangés dans le commerce international voyagent par mer et le transport maritime est de loin le mode le plus économe en carbone.
Or, ce n’est pas tant la distance entre production et consommation qui compte, mais l’empreinte Co2 sur le cycle de vie entier des produits. Pour le climat, il vaut mieux par exemple consommer des tomates venues par bateau du Maroc -mais cultivées au soleil- que des tomates sous serres chauffées acheminées par brouette! Par ailleurs, les échanges commerciaux ne se limitent pas aux biens physiques, et concernent également des services ou des technologies: l’ouverture du commerce peut faciliter l’adoption de technologies qui réduisent l’intensité de carbone des produits et des procédés de production.
Economiquement, la meilleure façon de réduire les émissions de carbone n’est pas de désigner arbitrairement quelques secteurs « verts » bénéficiant d’incitations et quelques secteurs « sales » à étouffer. C’est de retenir au contraire une approche « technologiquement neutre », et centrée sur les actions les plus efficaces en termes de coût par tonne de carbone évitée. Nous sommes encore loin de cette situation: quel que soit le pays concerné, le développement de technologies très efficaces (certaines sont autofinancées par les seules économies qu’elles procurent) cohabite avec des actions qui le sont moins (certaines normes induisent un coût tellement élevé qu’il serait plus efficace de ne rien faire, et de planter des arbres à la place).
La priorité devrait évidemment être donnée aux actions les plus efficaces, dont l’Accord plurilatéral sur les biens environnementaux en cours de discussion fait clairement partie. Dans ce cadre, 17 membres de l’OMC (dont l’Union européenne, les Etats-Unis ou la Chine) négocient depuis plus d’un an, afin de faciliter la circulation des biens et des services environnementaux (par exemple, les convertisseurs catalytiques, les filtres à air ou les services de consultants relatifs à la gestion des eaux usées), de façon à réduire les émissions sans un centime d’argent public.
Cet accord vise d’abord à établir une liste de produits faisant l’objet d’un accord entre les parties. Les discussions ont débuté autour d’une cinquantaine de produits verts. Un an après, la liste de négociation en couvre près de 650. Ces produits sont actuellement soumis à des droits de douanes qui frappent en moyenne les produits verts à hauteur de 9% (avec des pics jusqu’à 41%). Leur élimination progressive permettrait aux acheteurs -entreprises ou pouvoirs publics- d’acquérir des technologies environnementales à moindre coût.
L’impact sur l’emploi n’est pas négligeable pour l’Europe car le commerce des biens et services environnementaux représente 10 à 15% de nos exportations, et reste en croissance, même en période de crise. Point important, l’existence d’un tel accord n’empêchera évidemment pas d’utiliser les outils anti-dumping habituels sur des produits verts -par exemple les panneaux photovoltaïques. Cet accord déterminera enfin un cadre qui pourrait être ultérieurement élargi à davantage de produits, et concerner non seulement les droits de douane, mais également toutes les autres barrières commerciales.
A l’heure où les ONG expriment des craintes sur le niveau des engagements issus de la COP21, où les gouvernements peinent à financer le développement comme la recherche en faveur de la transition climatique, et où nos concitoyens se demandent quel sera pour eux le coût de la réduction des émissions de gaz à effets de serre, il est bon de rappeler que le commerce de produits verts et la diffusion des innovations associées répondent à chacune de ces questions.
À propos

Dédié à l'analyse des questions économiques, sociales et environnementales de long terme, L'Observatoire du Long Terme se fixe pour objectif de donner davantage de visibilité à ces enjeux dans le débat public. Dans ce contexte, il donne la parole à des contributeurs variés, avec pour seul critère le caractère étayé des arguments présentés.

L'Observatoire est indépendant, ne reçoit aucune aide financière et repose sur le volontariat de ses contributeurs, de son bureau, présidé par Vincent Champain et Bruno Fuchs.

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